SI LES QUESTIONNEMENTS sur les « options générales en matière de développement et de régulation des nanotechnologies », l’objet initial du débat public, qui a eu lieu d’octobre à février, ont pu échapper à beaucoup d’entre nous, les péripéties qui l’ont entouré ont fini par le propulser sur la place publique. Deux mois après la fin des échanges, la CPDP (Commission particulière du débat public) a ainsi rendu ce 13 avril à son maître d’uvre « polycéphale » (7 ministères !) et au public le compte rendu du débat. À deux voix, Philippe Deslandes, président de la CNDP, et Jean Bergougnoux, président de la CPDP ont commenté ce document qui a pour vocation d’aider l’État à agir : légiférer, prendre des mesures réglementaires ou concernant la recherche. Qu’en sort-il ?
° « Le débat a eu lieu »
En félicitant la CPDP d’avoir tenu bon face aux perturbations régulières et d’avoir permis « à la démocratie de tenir le dernier mot », Philippe Deslandes s’est attaché à rendre le caractère significatif de ce débat... malgré son mauvais bilan chiffré, pas uniquement imputable aux perturbations. En septembre, se disant ambitieuse, la CPDP espérait attirer aux réunions publiques 10 000- 15 000 participants (« le Quotidien » du 22 octobre 2009). Le compteur s’est finalement arrêté à 3 216 ! Heureusement, le site Internet fait mieux.
De quoi envoyer de l’eau au moulin de ceux qui ont qualifié cet événement de « nano-débat » ? La CNDP et la CPDP ne partagent pas cet avis ! Premier argument : la forte médiatisation qui a entouré le débat a rendu publique la thématique nano, jusque là relativement méconnue. Mais, surtout, la CPDP considère avoir recueilli un éventail d’avis et opinions très large, dont émergeaient des points représentatifs « parfois relativement consensuels, parfois objets de controverses ».
° Quelques attentes claires.
Le public, stupéfait de découvrir que plus de 1 000 produits contenant des nanoparticules manufacturés étaient déjà sur le marché, était unanimement inquiet en réalisant que les données toxicologiques et écotoxicologiques n’en sont qu’à leurs balbutiements. Et ahuri en apprenant que ces pans de la recherche mobilisaient seulement 3 % des budgets des programmes nano ! Il en résulte des demandes fortes : établir le traçabilité et l’étiquetage, monter en puissance les travaux en toxiciologie, se préoccuper au moins de la gestion des déchets.
La société civile, convaincue que le développement des nanotechnologies est « une affaire publique », demande à être associée à la gouvernance de son développement, de « briser la bulle technocratique » qui exclut le citoyen. Cette proposition a déjà trouvé des échos favorables chez plusieurs représentants d’administration, ce qui permet probablement d’entrevoir des contours d’un Haut Conseil aux nanotechnologies.
Sans surprise, des demandes de moratoires, général ou partiels, ont aussi été formulées.
°Les nanos posent des questions
Le sentiment que le marché s’est emparé des nanos trop librement a fait naître des grandes questions transversales sur la gouvernance, l’éthique et l’indépendance de la science. « Le développement des nanotechnologies appelle donc aux yeux de la "société civile" une gouvernance "moderne" dont les mots clés sont : transparence, participation et partage des responsabilités », résume le compte-rendu. Avec à la clé moult questions : faut-il interdire certains usages, faut-il réguler la valorisation industrielle, comment renforcer le contrôle de l’Etat au moment de la mise sur le marché et assurer la traçabilité... ? Le bon niveau pour instaurer cette gouvernance, monde, Europe, France, étant bien sûr lui-même interrogé ! La France se dotera-t-elle de ses propres outils de gouvernance, sans attendre ?
Comme attendu, les aspects éthiques ont fait l’objet de discussions approfondies et animées, notamment lorsqu’il s’agissait des applications liées à l’homme. Et les « questions concernant l’organisation et l’indépendance de l’expertise, ont été maintes fois évoquées ».
°Un débat sujet au débat... qui interpelle la CPDP
« Ce débat arrive trop tard. […] I l est une simple opération de communication. Il ne servira à rien. » La CPDP a été régulièrement interpellée sur le calendrier de cette consultation. Arguant que le travail de la CPDP relevait d’un « acte de foi » et précisant qu’à titre personnel, il espérait voir des mesures sortir de ce débat, Philippe Deslandes a toutefois admis que la décision de l’État de doter, juste avant le débat, le projet NanoInnov de 700 millions d’euros, n’était pas de nature à contredire ces critiques.
Mais c’est surtout la contestation qui a entouré ce débat qui préoccupe la CPDP. Les perturbations qui ont conduit à l’annulation des rencontres à Lille et à Grenoble, faits de collectifs et d’associations venus expressément pour saboter le débat, pourraient se reproduire. Comment maintenir l’institution du débat public ? Comment la faire évoluer pour y intégrer Internet, qui a « sauvé » le débat nano ? Avec des réflexions qui concernent la participation du public et les moyens pour l’(in)former, voilà des questions que ce débat aura posées à la CPDP elle-même et auxquelles elle promet de chercher des réponses au plus vite.
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