La biosurveillance s'est imposée au cours des vingt dernières années en France pour évaluer l'exposition aux composés chimiques. À travers une série d'articles publiée dans le « Bulletin épidémiologique hebdomadaire » du 7 juillet, Santé publique France met en lumière son intérêt pour orienter les actions de prévention.
Par le biais de l'air, de l'eau, de l'alimentation et des sols ou dans un contexte professionnel, la population est exposée en permanence à un ensemble de substances chimiques. La biosurveillance consiste à mesurer les concentrations de ces substances au niveau de différentes « matrices » (sang, urines, cheveux…) en vue d'en évaluer les risques.
Des résultats qui interpellent
« La biosurveillance est un outil puissant car ses résultats interpellent tout de suite les salariés et les employeurs ou la population générale quant à la réalité de l’exposition à des substances chimiques à un moment donné ; elle constitue ainsi un levier utile pour la prévention », écrivent Nadine Fréry et Mounia El Yamani. La biosurveillance permet notamment d'identifier les tâches les plus exposantes en milieu professionnel.
Dans un article sur les enjeux métrologiques de la biosurveillance, Kahina Slimani et al. détaillent : « La biosurveillance humaine a pour objectif d’évaluer l’exposition de la population aux substances chimiques organiques et inorganiques afin d’élaborer des valeurs de référence, de comparer les niveaux d’exposition de sous-populations, de mettre en évidence des tendances temporelles ou géographiques, ou encore d’évaluer l’impact de mesures de gestion ».
Définir des valeurs de référence
Dès 2004, la Commission européenne soulignait le besoin de méthodologies organisées pour une meilleure comparabilité des résultats. C'est dans une optique d'harmonisation qu'a été lancé le programme européen Human Biomonitoring for Europe (HBM4EU) durant la période 2017-2021 dans 28 pays. Une stratégie de priorisation a permis d'établir une liste de substances chimiques à surveiller.
La vocation de ce programme est de définir des valeurs de référence d’exposition (VRE) : obtenues en population générale, elles représentent « des seuils à partir desquels il est plausible de considérer l’exposition comme “anormalement” élevée », expliquent Loïc Rambaud et al. Des valeurs guides sanitaires - concentrations biologiques limites correspondant à une dose externe maximale tolérée - vont également être définies pour l'ensemble des substances évaluées dans le projet.
Développer le concept d'exposome au cours de la vie
Le programme HBM4EU devrait également permettre de développer le concept d'exposome, défini « comme l’intégration durant la vie entière de l’ensemble des expositions qui peuvent influencer la santé humaine, et sur lequel s’appuient désormais la plupart des travaux de recherche scientifique visant à mieux comprendre les déterminants de la charge environnementale des maladies ».
Une étude de biosurveillance professionnelle coordonnée a ainsi été lancée dans huit pays européens. Elle vise à étudier les niveaux d’imprégnation au chrome chez les travailleurs (métalliseurs et peintres) - en particulier au chrome VI, un cancérogène notoire - et à évaluer les mesures protectrices instaurées afin de réduire l'exposition alors qu'il n'existe pas de valeur limite biologique européenne.
Le programme HBM4EU s'appuie par ailleurs sur les stratégies nationales existantes, comme l'étude française Esteban. Les niveaux d'imprégnation à six familles de polluants du quotidien (bisphénols A, S et F, phtalates, perfluorés, retardateurs de flamme bromés, éthers de glycol et parabènes) y sont mesurés chez les Français de 6 à 74 ans, décrivent, dans un autre article, Clémence Fillol et al. Des expositions généralisées et des niveaux d’imprégnation généralement plus élevés chez les enfants ont été mis en évidence.
La biosurveillance joue également un rôle majeur dans le suivi de pollutions plus localisées, liées par exemple à d'anciens sites industriels (pollution à l'arsenic…) ou à des méthodes agricoles, dont un exemple emblématique est la pollution au chlordécone aux Antilles. L'étude Kannari 2013-2014 révèle une exposition à cet insecticide persistante et généralisée au sein de la population antillaise malgré un arrêt de son utilisation au début des années 1990. La biosurveillance est ici essentielle pour identifier les sous-groupes d'individus les plus exposés et préconiser des mesures adaptées.
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