VICTOR MONTORI, de la Mayo Clinic, l’explique très bien. Comment un établissement installé dans une petite ville des États-Unis comme Rochester est-il devenu une référence mondiale ? C’est la qualité des soins et le bouche-à-oreille (word of mouth) qui ont fait sa réputation hier et attirent encore aujourd’hui 84 % des patients. D’où l’importance de s’intéresser au e-bouche à oreille des réseaux sociaux. La Mayo Clinic n’a pas hésité à se doter d’un Social Media Center « C’est un réseau sur les réseaux de 74 membres sur quatre continents, l’écoute et la participation font partie de notre culture, on surveille notre e-reputation, on propose une immersion réseaux sociaux au personnel. »
Il est vrai que la fréquentation des SoMe (social medias), dont les plus connus sont Facebook, Twitter ou encore YouTube, explose. « 20 minutes sur Facebook, c’est 2 millions de messages envoyés. Twitter, c’est 1 milliard de Tweets (petits messages de 140 signes maximum) par semaine, » souligne Denise Silbert, organisatrice du congrès « Doctors 2.0 and You ». Les hôpitaux européens ne sont pas en reste. L’hôpital San Juan de Dios, à Barcelone, un des hôpitaux pédiatriques de pointe, s’est doté d’une direction esanté-santé 2.0 « Nous sommes le premier hôpital européen à mener une telle politique de médias sociaux, souligne son responsable Jorge Juan Fernandez, c’est une révolution. » Tous les programmes et les portails Internet ont des pages Facebook.
Mettre le patient au centre
À l’UMC (University Medical Center) St Radboud, aux Pays-Bas, Lucien Engelen a initié le mouvement Compassion for Care. « Quand on veut remettre le patient au centre, le média social est comme une machine à café numérique ; notre site jeunes patients, qui fonctionne comme une plate-forme de médias sociaux, a été salué comme une des meilleures pratiques existantes. Les malades, les médecins, les infirmières y collaborent, il y a des vidéoconférences avec les patients, on répond à leurs questions, on élabore ensemble une brochure. »
Aurait-il fait des émules en France ? La première plate-forme collaborative dédiée à la communauté du cancer doit ouvrir ce mois-ci. Cancercontribution.fr, soutenu par le cancer campus de Villejuif et la Ligue française contre le cancer, veut réunir associations, professionnels de santé, responsables des politiques de santé et patients pour définir « ensemble les pratiques de demain ». Jusqu’à présent, quand les hôpitaux français se retrouvaient sur Facebook, c’était par le biais de leurs syndicats, des grèves ou des associations. Quelques établissements privés font figure d’exception.
Communautés de médecins
Certes, l’AMA (American Medical Association) déconseille aux médecins d’avoir des relations sociales avec leurs patients via les réseaux sociaux. Et en France une récente étude recommande de ne pas accepter des patients pour ami (« le Quotidien » du 27 décembre 2010). Après une enquête menée auprès de 405 internes et chef de clinique du CHU de Rouen montrant que 73 % d’entre eux étaient inscrits sur Facebook et à 99% sous leur nom véritable. Aux États-Unis, on commence à s’inquiéter de voir les jeunes médecins utiliser leur smartphone pour s’échanger des informations concernant leurs patients… Le mur de sécurité autour des discussions entre médecins doit être la règle. Que ce soit en Grande-Bretagne sur Doctors.net, qui réunit 184 000 médecins inscrits ou sur l’américain Voxmed, réseau mondial de professionnels de santé présent dans 43 pays avec des forums de discussions très actifs.
Jacques Lucas, vice-président du Conseil national de l’Ordre des médecins, était là pour rappeler son souci constant de vérification de la qualité de médecins des intervenants. Les communautés qui existent en France, ont créé des liens vers la base de données de l’Ordre.* Pour le Dr Lucas, si les réseaux de médecins sont moins actifs en France, c’est en partie lié avec le mode de rémunération à l’acte. « Quand un généraliste a besoin d’un avis, il envoie son patient au spécialiste et celui-ci lui ré-envoie son patient. » L’Ordre va publier d’ici la fin de l’année un livre blanc sur les bonnes pratiques à respecter en matière d’activités Internet. « Le code de déontologie de 1995 a besoin d’être réécrit. »
* Ce sont généralement des listes de discussion ou des communautés virtuelles de spécialistes. On peut citer les gastroentérologues, pneumologues, anesthésiste-réanimateur, urgentistes et internes réunis sur smartphone par MobileHealth.
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