Depuis plus de 15 ans, les recherches scientifiques apportent des preuves de la toxicité de la pollution atmosphérique sur la santé et établissent des liens forts entre exposition et morbi-mortalité. Dans son premier numéro de 2013, le « Bulletin épidémiologique hebdomadaire » (BEH) dresse un bilan des connaissances et plaide pour des politiques plus radicales.
Après une prise de conscience tardive des effets néfastes de la pollution sur la santé, les années 1990 ont vu éclore de nombreux projets en France (comme le programme de surveillance air et santé - PSAS - de l’Institut de veille sanitaire) et en Europe. Leur objectif : savoir si un excès de risque relatif (ERR) de morbi-mortalité peut être associé à différents indicateurs de pollution. À la lecture de l’article de Laurence Pascal (Cire Sud, InVS) et coll., qui passe en revue 15 ans de surveillance, la réponse est : oui.
Risques cardiovasculaire et respiratoire
Selon une première étude européenne Aphea, initiée en 1992, l’excès de risque de mortalité totale et cardiovasculaire associé aux particules fines PM10 (de diamètre inférieur à 10 microgrammes) et à l’ozone (surtout l’été) est respectivement de 0,5 % et de 0,7 %. Il est encore plus élevé pour la mortalité respiratoire (1,1 %).
Une seconde étude, le PSAS de l’InVS, lancée en 1997 dans 16 villes françaises, conclut aussi à l’existence d’une association, à court terme, entre pollution, mortalité et hospitalisation. Sur la période 2000-2004, l’ERR pour la mortalité, associé à une augmentation de 10 µg/m3des PM10, est de 1,4 %. Il est de 1,5 % pour la même augmentation des PM2,5, de 1,3 % pour le dioxyde d’azote (NO2) et de 0,9 % pour l’ozone. Le risque de mortalité lié aux particules fines et au dioxyde d’azote est même accru pour les causes cardiovasculaires et pour les personnes âgées de plus de 65 ans. En outre, le risque d’une hospitalisation pour un problème cardiovasculaire est de 0,7 % pour une augmentation de 10 µg/m3 des particules fines (10 et 2,5), à peine moins pour le NO2 (0,5 %).
Recommandations de l’OMS bafouées
La plupart des décès et hospitalisations attribuables à court terme aux particules fines dans les villes européennes sont dus à des expositions à des concentrations inférieures aux valeurs limites ou aux niveaux préconisés dans les lignes directrices de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur la qualité de l’air.
Selon les chercheurs, l’espérance de vie pourrait augmenter de 22 mois pour les plus de 30 ans si les niveaux moyens annuels de PM étaient ramenés au seuil de 10 µg fixé par l’OMS.
Économiquement, le bénéfice s’élèverait à 31,5 milliards d’euros pour 25 agglomérations. Près de 15 % du gain d’espérance de vie aux États-Unis entre 1980 et 2000 ont été attribués à l’amélioration de la qualité de l’air, rappelle Michal Krzyzanowski, du centre européen de l’environnement et de la santé de l’OMS, dans l’éditorial du « BEH ». Autre exemple de l’efficacité d’une action forte, l’application de la législation européenne réduisant le niveau de soufre dans les carburants a permis de prévenir près de 2 200 décès prématurés, et d’épargner 192 millions d’euros.
Une ville comme Paris, par exemple, est loin de ces objectifs. Plus de 3 millions de Franciliens ont été exposés en 2011 à un niveau moyen de NO2 dépassant la valeur limite annuelle de 40 µg.
Pour l’amélioration durable de l’air
Aujourd’hui, les taux mesurés de particules fines, de dioxydes d’azote et d’ozone restent stables dans les villes européennes. Michal Krzyzanowski appelle à « des politiques plus radicales et globales », qui soient à la fois locales et européennes, sur l’impulsion de l’OMS.
Mais les défis sont nombreux, à commencer par l’enrichissement des connaissances sur les mécanismes d’action des polluants sur la santé. Si les particules fines liées au trafic routier semblent les plus nocives, les scientifiques ne parviennent pas à en identifier précisément la raison, tant leur composition est complexe et mouvante.
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