C’EST UN NOMBRE sous-estimé : au moins 200 syndromes de bébé secoué se produiraient chaque année en France. Ce geste impulsif, qui ne semble parfois pas si violent pour les auteurs (à 70 % des hommes), provoque pourtant des dommages irréparables : de 10 à 40 % des bébés secoués meurent des suites de ce traumatisme crânien, la majorité des autres conservent des séquelles à vie. Les lésions observées en cas de secouement sont d’autant plus graves qu’elles sont infligées à des nourrissons de moins de 6 mois dans la majorité des cas. Elles touchent particulièrement les méninges, l’encéphale, l’œil et la moelle épinière.
Les recommandations de la HAS reprennent les conclusions d’une audition publique organisée par la Société française de médecine et de réadaptation (SOFMER). Elles visent à améliorer la prise en charge de ces enfants en proposant aux professionnels de santé un guide pratique pour diagnostiquer ce syndrome.
Des messages simples.
Car même s’il suffit d’une fois, les récidives du secouement se produisent dans plus de 50 % des cas. Le deuxième objectif est de faire de la prévention : il faut que les parents, quelle que soit leur catégorie socio-professionnelle, prennent conscience de la gravité de ce geste. « Il y a des moyens de l’éviter », assure le Dr Cédric Grouchka, membre du collège de la HAS, qui reconnaît que tout le monde peut être exaspéré par les pleurs d’un nourrisson. Le réflexe à avoir, conseille-t-il, c’est de « faire une pause avant d’être à bout », de coucher le bébé dans son lit (sur le dos) et de quitter la pièce, par exemple. « Ce sont des messages simples mais très importants », insiste le Dr Grouchka en ajoutant que la HAS met à disposition des professionnels un poster sur les critères diagnostiques ainsi qu’un film vidéo de prévention (www.has-sante.fr).
Des critères diagnostiques.
Pour le diagnostic, certains signes cliniques ne trompent pas et indiquent la gravité des atteintes neurologiques comme le coma, les apnées sévères, les convulsions, le plafonnement du regard. Mais la diminution des compétences ou la perte de contact doivent également alerter. D’autres symptômes non spécifiques peuvent égarer les professionnels. Devant des modifications du comportement (irritabilité, modifications du sommeil ou des prises alimentaires), des vomissements, des pauses respiratoires, un bébé pâle ou douloureux, les médecins doivent toujours garder en tête la possibilité du syndrome du bébé secoué. Le Dr Mireille Nathanson, pédiatre et spécialiste des questions de maltraitance, rappelle que l’examen clinique, sur un nourrisson dénudé, doit comprendre la palpation de la fontanelle, la mesure du périmètre crânien – qu’il faut reporter sur la courbe en cherchant un changement de couloir – et la recherche d’ecchymoses sur le corps y compris le cuir chevelu. Par ailleurs, « on note souvent un délai de consultation alors même qu’il n’y a pas d’intervalle libre entre le secouement et les symptômes », observe-t-elle. Le discours de l’entourage doit être pris en compte, surtout lorsque « les données de l’entretien ne collent pas avec la réalité ». « Ainsi, un bébé de 2 mois ne peut pas se cogner la tête contre les barreaux de son berceau », commente-t-elle, en précisant que les nourrissons victimes sont le plus souvent des garçons. En cas de doute, « il faut hospitaliser le bébé », tranche la pédiatre. L’examen doit être complété par une imagerie cérébrale (scanner puis IRM) à la recherche d’un hématome sous-dural (souvent plurifocal) ou d’autres lésions cérébrales et par un examen du fond d’œil à la recherche d’hémorragies rétiniennes (inconstantes mais présentes dans 80 % des cas). En fonction des lésions observées, la HAS a délimité des critères diagnostiques selon quatre catégories : le secouement est « hautement probable voire certain », il est « probable », « possible » ou « écarté ».
Signalement.
Mais la protection de l’enfant ne s’arrête pas à l’hospitalisation : il est aussi judiciaire. « Le signalement à l’autorité judiciaire n’est jamais anodin », convient Fabienne Quiriau, responsable de la Convention nationale des Associations de protection de l’enfant (CNAPE). Toutefois, il ne s’agit pas de « dénoncer des personnes mais une situation de danger pour l’enfant ». La HAS envisage deux hypothèses : soit un signalement au procureur de la République si le diagnostic est « hautement probable » ou « probable », soit adresser une information préoccupante au président du Conseil général si le diagnostic est « possible ». Outre la protection de l’enfant, la reconnaissance d’une infraction pénale est indispensable pour ouvrir la possibilité d’une indemnisation, défend le Dr Anne Laurent-Vannier, chef du service de rééducation des pathologies neurologiques acquises de l’enfant aux Hôpitaux de Saint-Maurice. Certes, le syndrome du bébé secoué est un geste impulsif. Pour autant, « la prévention est possible » surtout si les médecins bénéficient d’une formation minimale, conclut-elle.
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