L’adoption aux homosexuels en débat

La question de l’origine est soulevée

Publié le 25/09/2012
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Crédit photo : AFP

Quels enseignements tirez-vous de votre expérience clinique au CHU de Saint-Étienne ?

Nous commençons tout juste à recevoir des enfants élevés par des couples homoparentaux. J’ai vu quelques cas présentant d’importantes pathologies, mais ils ne sont pas représentatifs. Les troubles qu’on observe chez ces enfants sont plus subtils. Pour en avoir conscience, il faut accéder à leur vie psychique : cela suppose d’instituer un contexte de psychothérapie confidentielle.

J’ai ainsi reçu une fillette de 9 ans adressée pour insomnie. Elle m’explique qu’elle ne dort pas pour empêcher sa mère de rejoindre sa compagne. Mais elle ne livre pas cette pensée à sa mère.

Une autre fillette de 8 ans qui manifestait des troubles de la concentration dessine une reine entourée de 8 enfants. Elle me dit qu’ils ont été faits par la sœur de la reine, une magicienne, qui a concocté une potion. La reine n’a pas eu besoin d’homme pour concevoir les enfants.

Ces enfants butent sur le mystère de leur origine et cela crée chez eux une excitation perturbante lorsque la sexualité des adultes est totalement déliée de la conception.

Plusieurs spécialistes estiment que la reconnaissance d’un droit à l’adoption serait bénéfique pour ces enfants qui sortiraient d’une marginalité sociale et auraient une double filiation. Qu’en pensez-vous ?

Ce n’est pas le regard social porté sur ces enfants qui les perturbe le plus. Et il ne suffit pas de lever les non-dits pour faire disparaître le problème.

La question fondamentale se situe dans la construction de leur vie psychique. Comment une petite-fille peut-elle comprendre que deux hommes qui ne veulent pas de femme désirent une fille ? Pour construire son identité, l’enfant doit pouvoir penser à une scène sexuelle entre les parents dont il fait « partie » puisqu’il y est conçu. C’est ce qu’on nomme la scène primitive. Quand les parents sont homosexuels, l’enfant sait qu’il ne peut pas être conçu par eux.

Si l’on vous suit, les enfants issus d’une procréation médicalement assistée auraient également des difficultés dans leur construction psychique ?

Lorsqu’une femme et un homme demandent une insémination artificielle avec donneur (IAD), c’est parce qu’il y a une stérilité due aux hasards de la vie qui empêche le projet de conception hétérosexuelle. Dans l’homoparentalité, il y a une revendication qui est un déni de la réalité de l’identité de chacun des adultes, identité que par ailleurs ils ont le droit d’avoir.

En l’état actuel des connaissances scientifiques, que sait-on sur le devenir de ces enfants ?

Un article d’Olivier Vecho* paru en 2005 dans la très exigeante revue « Psychiatrie de l’enfance » montre que sur 311 publications, beaucoup ne tiennent pas la route. Certaines ont un aspect clairement militant, et ne se fondent que sur la parole des « parents ». 25 % de ces études ne précisent pas la discipline dans laquelle elles s’inscrivent (psychiatrie, philosophie, sociologie...). 9/10 n’étudient que l’homosexualité féminine, dont on extrapole les résultats sur l’homosexualité masculine. Sur les 35 restantes considérées comme plus valables, 22 ne précisent pas le mode de filiation. Seulement 20 ont un groupe de comparaison, mais 8 d’entre elles ne sont pas complètement appareillées. Enfin, sur les 12 études toujours en lice, seule la moitié renseignent sur l’existence ou non d’un divorce.

Des personnes favorables à l’adoption brandissent encore d’autres études montrant que les enfants vont bien. Mais ces analyses portent sur des troubles externalisés : agressivité, échec scolaire, délinquance. Aucune n’aborde le fonctionnement psychique de ces enfants.

Quand on n’observe pas de troubles massifs chez des enfants élevés par des homosexuels (car ils sont capables de sécuriser un bébé, d’être une figure d’attachement), on ne peut pas dire qu’au niveau affectif ce soit innocent. On n’a pas prouvé que cela n’a pas d’impact. Au nom du principe de précaution, le gouvernement devrait demander l’avis des spécialistes avant de légiférer.

*Vecho Olivier et Schneider Benoît, « Homoparentalité et développement de l’enfant : bilan de trente ans de publications », La psychiatrie de l’enfant, 2005/1 Vol. 48, p. 271-328. DOI : 10.3917/psye.481.0271

 PROPOS RECUEILLIS PAR COLINE GARRÉ

Source : Le Quotidien du Médecin: 9163