Plus de 18 ans après la démonstration que le prion modifié responsable de l’encéphalite bovine spongiforme (EBS) pouvait être à l’origine du variant de la maladie humaine de Creutzfeldt-Jakob, c’est au tour de celui de la tremblante de mouton d’obtenir les premières preuves expérimentales de son possible caractère zoonotique, d’après un article paru dans « Nature Communication ». Selon Olivier Andreoletti, de l’École nationale vétérinaire de Toulouse (unité UMR1225 IHAP Interactions hôtes-agents pathogènes), qui a dirigé l’étude, ces presque 20 ans d’écart s’expliquent par les différences qui séparent les deux maladies animales : « L’épidémie d’encéphalites bovines spongiformes a éclaté dans les années 1980 au Royaume-Uni, et le variant de la maladie humaine de Creutzfeldt-Jakob est apparu en 1996, également au Royaume-Uni. Épidémiologiquement, il était facile de faire le lien », rappelle-t-il.
L’impasse épidémiologique
La situation est moins évidente pour la tremblante du mouton qui circule depuis des siècles dans tous les endroits du monde où l’on élève des petits ruminants. La maladie sporadique de Creutzfeld-Jakob, différente du variant lié à l’EBS, a pour sa part été identifiée en 1920. « C’est une maladie très rare, un à deux cas par million d’habitants chaque année dans les pays très médicalisés. Sa période d’incubation s’étend sur des dizaines d’années alors que le variant Creutzfeldt-Jakob touche des patients jeunes avec des symptômes qui apparaissent en 12 mois, explique Olivier Andreoletti, les études épidémiologiques de Paul Brown et Cornelia Van Duich sont classiquement citées comme des arguments en faveur de la non-transmissibilité de la tremblante du mouton. Il était illusoire d’espérer montrer, dans une étude rétrospective, une exposition 30 ans avant l’apparition de la maladie. »
Les chercheurs de l’INRA se sont de nouveau attaqués à ce problème mais en utilisant un modèle expérimental particulier : une souris transgénique capable d’exprimer la version humaine du prion (tgHu). « Ces rongeurs sont mis au point depuis une dizaine d’années et on leur fait de plus en plus confiance. Des expériences menées avec le prion de l’EBS ont montré que l’on parvient à reproduire fidèlement chez animaux les mécanismes de transmission observés chez l’homme », explique Olivier Andreoletti.
La barrière de transmission est franchissable
Les chercheurs ont injecté à ces animaux des prions responsables de la tremblante du mouton. Ces derniers se sont avérés capables de franchir la barrière de transmission et d’induire des troubles pathologiques aux caractéristiques indiscernables de celles observées dans les formes dites sporadiques de la maladie humaine de Creutzfeldt-Jakob. Ces données suggèrent un lien potentiel entre la survenue de certains cas de Creutzfeldt-Jakob et ces prions animaux.
Les pathologies neurodégénératives comme la maladie de Creutzfeldt-Jakob ou la tremblante du mouton se caractérisent par la présence de versions modifiées du prion, capables de catalyser la formation de d’avantage de versions modifiées, amplifiant ainsi la maladie. Ce que les chercheurs de l’INRA ont apporté, c’est la preuve que la version modifiée du prion du mouton était capable d’initier une transformation des formes natives du tgHu en formes modifiées. Un tel lien reste cependant très difficile à démontrer, selon les auteurs.
Pas un nouveau risque majeur pour la santé publique
Dans leur conclusion, les chercheurs de l’INRA insistent sur le fait que la maladie de Creutzfeldt-Jakob est peu rare alors que la tremblante circule depuis des siècles chez les petits ruminants dont on consomme la viande. Même si le caractère zoonotique de la tremblante du mouton devait être confirmé à l’avenir, cette maladie ne constituera pas pour autant un nouveau risque majeur pour la santé publique.
« Ces résultats justifient toutefois que l’on mène de nouvelles recherches », estime toutefois Olivier Andreoletti. Par exemple, les épidémiologistes vont pouvoir mener de nouvelles études en se concentrant sur des clusters de cas sporadiques de Creutzfeldt-Jakob. On commence aussi à savoir modéliser in vitro la transmission. Enfin, il y a une grande biodiversité des prions de la tremblante du mouton qui reste à étudier. Il y a un type de prion particulier, celui à l’origine de la tremblante atypique, qui semble échapper à toutes les tentatives de contrôle mises en place. » L’équipe d’Olivier Andreoletti va poursuivre ses travaux, et étudier les risques de transmission iatrogène par les produits médicaux ainsi qu’aux mécanismes d’auto-réplication du prion qui pourrait être commun à d’autres maladies neurodégénératives comme les maladies d’Alzheimer et de Parkinson.
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