Quel programme de vaccination convient-il d'appliquer pour la vaccination anti-méningocoque B ? Vaccination de masse ou ciblée ? Depuis la mise à disposition très attendue fin 2014 de deux vaccins contre le sérogroupe B, les choix ont largement varié entre les pays. Deux études publiées dans « The New England Journal of Medicine » apportent des éléments pour éclairer la décision en santé publique.
Dans l'infection invasive à méningocoque (IIM) B, deux populations sont à risque plus élevé : les nourrissons et les jeunes adultes. Le Royaume-Uni, où la prévalence de la méningite B est de très loin la plus élevée d'Europe, est le premier pays à avoir adopté en 2015 un programme d'immunisation de masse des nourrissons, les plus touchés par l'affection. En Australie, l'État du Sud a choisi, quant à lui, de cibler les nourrissons mais aussi les adolescents de 16 à 17 ans.
Aux États-Unis, certains États ont choisi de vacciner les jeunes de 17 à 18 ans systématiquement avant leur entrée à l'université ainsi que tous les étudiants (quel que soit leur âge) d'un établissement touché par des cas de méningite, d'autres ont restreint le vaccin à cette deuxième indication.
En France, un vaccin restreint à des situations spécifiques
En France, la vaccination contre le sérogroupe B est recommandée pour des populations cibles dans le cadre de situations spécifiques, notamment épidémique et d’hyperendémie. « Elle n’est pas recommandée pour les sujets contacts de cas sporadiques d’IIM B en sus de la chimioprophylaxie qui représente le moyen le plus efficace de prévention des cas secondaires », est-il précisé dans le calendrier vaccinal 2019.
Dans « The New England Journal of Medicine », la première étude (1), menée au Royaume-Uni et avec le soutien de Santé publique Angleterre, évalue l'efficacité des trois premières années (2015-2018) du programme d'immunisation national déployé outre-Manche chez environ 650 000 nourrissons avec le vaccin 4CMenB (Bexsero, laboratoires GSK). L'efficacité vaccinale s'est avérée de 59,1 % avec le schéma deux doses avant l'âge de 12 mois et un rappel avant 18 mois.
La seconde étude (2), menée en Australie chez plus de 35 000 adolescents âgés de 10 à 12 ans, n'a pas montré de différence significative sur le portage oropharyngé de Neisseria meningitidis (groupes A, B, C, W, X ou Y) entre le groupe vacciné par le 4CmenB à l'inclusion et les contrôles, dont la vaccination avait été différée à la fin de l'étude à 12 mois.
Pour le portage, d'autres facteurs que le vaccin
Pour le Pr Daniel Floret, de la Commission technique des vaccinations à la Haute Autorité de santé (HAS), ces résultats à grande échelle confirment ce qui était connu du vaccin. « L'étude australienne montre que le vaccin contre le méningocoque B n'agit pas sur le portage de la bactérie, relève-t-il. Autrement dit, cette étude confirme qu'il n'entraîne pas d'immunité de groupe. Le vaccin protège ceux qui sont vaccinés, mais pas les autres ».
Dans l'étude australienne, le portage de N. meningitidis était de 2,55 % dans le groupe vacciné (n = 326/12 746) et de 2,52 % chez les contrôles (n = 291/11 523). Les facteurs de risque de portage se sont révélés être : un âge plus avancé - c'est le facteur le plus fort avec un risque multiplié par 2,75 à l'âge de 12 ans par rapport à 10 - puis une infection respiratoire haute intercurrente (risque augmenté de 35 %), le tabagisme (risque presque multiplié par deux), l'usage de la pipe à eau (risque augmenté de 82 %), la fréquentation de clubs et de pubs (risque augmenté de 54 %) et les baisers (risque augmenté de 65 %).
La protection à long terme en question
Quant à l'étude britannique, elle met en évidence un effet protecteur chez les enfants durable au moins deux ans. La vaccination des nourrissons s'est accompagnée d'une baisse significative du nombre de cas de méningite à méningocoque B : l'incidence était de 63 cas par rapport aux 253 cas attendus. Sur les trois ans d'observation, 169 cas de méningites à méningocoque B ont été observés, ce qui correspond à 277 cas évités.
« La baisse du nombre de cas est significative mais pas aussi spectaculaire qu'avec le vaccin contre le méningocoque C, estime le pédiatre expert en vaccinologie. Il n'y a pas eu d'effondrement du nombre de cas. De plus, la durée de l'étude est limitée, alors que l'on a de bonnes raisons de penser que la durée de protection n'est pas très importante, les taux d'anticorps baissant fortement dans le temps. Sans compter que ces calculs sont basés sur des modélisations, or il n'est pas exclu qu'il y ait une diminution naturelle des cas, l'évolution épidémiologique étant fluctuante, comme cela a été le cas en France ».
Faut-il alors changer les recommandations en France et opter pour une vaccination de masse ? « La stratégie vaccinale est très fluctuante contre le méningocoque B, indique le Pr Floret. Rien n'est inscrit dans le marbre. En France, les recommandations, revues il y a quelques années, le seront de nouveau. La grande interrogation concerne l'impact à long terme ».
(1) Ladhani S et al. NEJM. 2020;382:309-17
(2) Marshall H et al. NEJM. 2020;382:318-27
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