La consommation endémique de vodka par les hommes russes n’a pas pour seul effet la multiplication de vidéos humoristiques sur Youtube. Elle porte aussi une grande part de responsabilité dans la très forte mortalité précoce observée dans la Fédération de Russie, où 25 % des hommes meurent avant 55 ans, un chiffre que les auteurs d’un article paru dans « The Lancet » comparent aux 7 % observés au Royaume-Uni.
David Karidze du Centre russe de recherche sur le cancer, à Moscou, et ses collègues ont adressé à 151 000 hommes vivant à Barnaul, Byisk et Tomsk, un questionnaire sur leur consommation de vodka.
Un risque de décès lié à l’alcool de 17 %
Cette population a ensuite été suivie pendant une dizaine d’années, au cours de laquelle 8 000 d’entre eux sont décédés. Sans surprise, la mortalité était la plus importante parmi ceux qui buvaient plus de trois bouteilles d’un demi-litre par semaine que parmi ceux qui en consommaient moins d’une par semaine. Le risque de décès à 20 ans était de 35 % (dont 17 % spécifiquement liés à l’alcool) chez les fumeurs qui déclaraient consommer plus de trois bouteilles par semaine contre seulement 16 % (dont 10 % liés à l’alcool) chez ceux qui déclaraient consommer moins d’un demi-litre par semaine. Le risque de décès entre 55 et 74 ans était de 64 % pour les gros buveurs contre 50 % pour les buveurs plus modérés. Selon le Dr Paul Brenna du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) qui a participé à ces travaux, « certains buveurs modérés sont devenus de gros consommateurs de vodka au cours de l’étude, et l’inverse a également été observé. Ces fluctuations font que nos résultats sont probablement sous-estimés. »
Accidents, violences et suicides
La surmortalité observée dans le groupe des plus gros buveurs était liée aux intoxications alcooliques, aux accidents, actes de violence et suicides mais aussi aux diverses pathologies comme les cancers de la gorge et du foie, la tuberculose, la pneumonie, la pancréatite, ou encore les atteintes cardiaques et hépatiques. Les auteurs précisent cependant que d’autres facteurs menacent la santé des hommes russes comme la forte consommation de tabac de la population. Le mode de consommation de l’alcool est également en cause dans la forte mortalité observée en Russie. Même les très gros buveurs dont la moyenne s’établissait à cinq bouteilles par semaine, des périodes d’abstinence de trois jours par semaine étaient observées, ce qui laisse supposer la généralisation d’épisodes d’alcoolisation intenses particulièrement délétères et souvent meurtriers.
En 1984, Mickaël Gorbatchev avait mené une politique visant à réduire la disponibilité de l’alcool. Selon les auteurs, la mortalité précoce avait alors baissé de 25 %. En 2006, des réformes de santé publique étaient parvenues à réduire d’un tiers la consommation d’alcool en Fédération de Russie, la mortalité avant 55 ans avait alors baissé d’autant. « En d’autres termes, le fait que l’alcool ait un tel effet sur la mortalité ouvre la porte à des interventions capables de baisser le taux de mortalité en Russie, principalement celui des hommes », a estimé, dans un commentaire de l’article dans le « Lancet », Jürgen Rehm du centre des addictions et de la santé mentale de Toronto.
David Zaridze et all, « The Lancet », publication en ligne du 31 janvier
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