CHEF D’UNE congrégation évangéliste de quelques dizaines de fidèles, le pasteur Terry Jones, qui vit dans une petite ville du nord de la Floride, a annoncé il y a quelque temps qu’il brûlerait 200 exemplaires du Coran au cours d’une cérémonie sulfureuse qui n’est pas sans rappeler les violentes initiatives du Ku-Klux-Klan. On n’a aucun mal à cerner le personnage, qui porte un revolver à la ceinture et semble bien plus inspiré par l’attention médiatique qu’il a obtenue que par sa foi. Le pasteur Jones entendait riposter de la sorte au projet de centre culturel islamique (avec mosquée) conçu par l’imam Faisal Abdul Rauf, qui souhaitait construire l’édifice tout près de Ground Zero, le trou béant laissé par les tours jumelles qu’ont détruite les terroristes d’Al-Qaïda il y a neuf ans.
La guerre ? Jamais.
L’imam Faisal Abdul Rauf ne manque pas de soutiens, à commencer par le maire de New York, Michael Bloomberg, milliardaire, juif et républicain qui réclame la construction du centre islamique au nom de la liberté de religion prévue par la Constitution des États-Unis. Barack Obama, dont l’engagement en faveur du centre, d’abord ferme, puis plus mitigé, a encore réaffirmé il y a quatre jours que jamais son pays ne serait en guerre contre l’islam. On comprend sans mal la position du président des États-Unis : il est absurde de répondre à l’intégrisme par un autre intégrisme. Il n’empêche qu’à quelques semaines des élections législatives de novembre, qui vont probablement coûter au chef de l’exécutif sa majorité au Congrès, il ne peut pas se payer le luxe d’ignorer les manifestants (et électeurs) qui s’opposent à l’édification d’un centre considéré comme une provocation.
L’imam Faisal est tout le contraire d’un extrémiste. Soucieux d’administrer la preuve qu’il n’y a pas d’exception à la liberté de culte aux États-Unis, il a refusé de construire son centre ailleurs, ce qui a plongé le pasteur Jones dans l’embarras. Il a réclamé une sorte de transaction : renoncez au centre, je renoncerai à brûler le Coran. Le pasteur avait un atout, le même que celui de l’imam : la liberté religieuse existe certes en Amérique, mais la liberté d’expression aussi. Si on s’étonne en Europe de ce que le pasteur n’ait pas été arrêté, c’est parce que, justement, il n’a enfreint la loi à aucun moment. Les autorités gouvernementales, Obama compris, ont donc exercé sur lui des pressions énormes en lui faisant valoir que son geste néfaste déclencherait une multitude d’attentats et que, s’il brûlait le livre sacré des musulmans, des vies américaines en paieraient le prix. Le danger venu de Floride semble maintenant écarté, mais le président Obama et le maire Bloomberg n’ont pas résolu le problème du centre islamique de New York.
ON NE RÉPOND À L’INTÉGRISME PAR UN AUTRE INTÉGRISME
L’Amérique ne manque pas d’illuminés, comme en témoigne la multiplication des adeptes du Tea Party, mouvement populiste comme il s’en est toujours créé outre-Atlantique, notamment en période de crise. Il suffit de se souvenir de Wendell Wilkie, démocrate devenu républicain, pourfendeur du New Deal, candidat pour la première fois à la présidence en 1940 et qui recueillit 22 millions de suffrages (44 %) contre 27 millions à Franklin D. Roosevelt. C’est assez dire que le populisme peut aller loin, mais aussi qu’il n’a pas réussi à s’emparer de la Maison Blanche. Barack Obama, toutefois, ne peut pas ignorer le phénomène. S’il a altéré son projet, fondé sur l’intervention de l’administration dans tous les domaines, c’est bien parce qu’une autre des nombreuses religions américaines, c’est le libéralisme économique. Voilà pourquoi le président, confronté à une crise tenace, propose aujourd’hui de diminuer les impôts (en dépit d’une dette accablante) dans le cadre d’un nouveau plan de relance.
Ni M. Bloomberg ni M. Obama ne semblent avoir perçu que la réaffirmation des grands principes censés guider la nation américaine ne sont pas nécessairement applicables dans une période caractérisée par une double guerre en Irak et en Afghanistan et par un péril terroriste qui n’a guère diminué. À n’en pas douter, il est stupide de provoquer le monde musulman par des mesures intolérantes. De son côté, l’imam Faisal aurait pu deviner que son projet risquait de raviver une plaie d’autant moins cicatrisée que la reconstruction à Ground Zero commence à peine et prendra des années. Désireux, avant toute chose, de tendre la main au monde arabo-musulman, le président Obama bute sans cesse sur les obstacles que pose une relation constamment détériorée par les menaces que lancent les islamistes. Il ne peut ni ignorer ces menaces, ni adopter une position acceptable pour les intégristes américains.
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