Premier tour de la primaire socialiste

L’année du PS

Publié le 07/10/2011
Article réservé aux abonnés
1317949836286437_IMG_68408_HR.jpg

1317949836286437_IMG_68408_HR.jpg
Crédit photo : AFP

EN ATTENDANT d’arriver au pouvoir, les socialistes semblent avoir réussi à mettre au point un système éminemment démocratique de désignation du candidat à la présidence. Cela dépendra, bien sûr, de la façon dont se déroulera le premier tour, du nombre de votants, de la clarté et de l’honnêteté du scrutin. Il n’y a pas de raison, pour le moment, de critiquer la primaire. En ce qui concerne les socialistes, elle a le mérite de demander au peuple de choisir un homme ou une femme qui n’a pas, d’emblée, la stature présidentielle et ne peut l’acquérir qu’en recueillir plus de suffrages que les autres. En ce qui concerne l’ensemble du pays, elle indique la voie à suivre pour les autres partis, quand il n’y a pas de président sortant et encore moins de ce que l’on appelle « candidat naturel ». La majorité s’est efforcée, à tort, de discréditer le système des primaires, pourtant utilisé par d’autres pays et non des moindres, comme les États-Unis ou l’Italie. La gauche a décidé de l’appliquer en France, en prenant des risques et en affrontant de lourdes difficultés de mise en œuvre ; elle n’en a que plus de mérite.

Une surprise est possible.

La journée de dimanche peut produire une très grosse suprise, ne serait-ce que parce que la fiabilité des sondages sur une population que les enquêteurs ont beaucoup de mal à cerner est médiocre. À la veille du scrutin, tout ce que l’on peut dire, c’est que François Hollande semble arriver en tête et pourrait être sacré le 16 octobre. En un an, le parcours de l’ex-premier secrétaire du parti aura été tout à fait remarquable. Face à Dominique Strauss-Kahn qui, à l’époque, ne comprenait même pas comment M. Hollande pouvait avoir le front de se présenter, sa décision de s’engager dans la course inspirait des quolibets dans son propre camp, où il ne bénéficie pas toujours de l’estime qu’il mérite. Un documentaire diffusé mardi soir sur Canal + montre sans nuances la violence des rapports qu’entretiennent les cinq candidats socialistes, par exemple le jugement extraordinairement négatif que Ségolène Royal porte sur son ancien compagnon (qui n’aurait absolument rien fait pendant toute sa carrière politique) ou qu’Arnaud Montebourg porte sur l’éloquence de Martine Aubry.

Pendant les débats télévisés, les « six » sont parvenus à se démarquer les uns des autres sans vraiment s’écharper. C’est un tour de force. L’opinion risquait de ne voir dans leurs joutes que la traduction d’un conflit d’ambitions alors que, en réalité, les programmes ne sont pas du tout les mêmes. La bataille des personnalités se terminera forcément quand le vainqueur sera désigné.

On n’a peut-être pas assez souligné l’intérêt du récit historique depuis que les socialistes se sont entredéchirés à leur congrès de Reims (novembre 2008). Orphelins de Mitterrand, puis de Jospin, les « éléphants » furent incapables, à l’époque, de se rassembler. Martine Aubry a su fondre les courants divers du parti (qui n’existent plus, au moins sur le papier), non sans reprocher à son prédécesseur d’avoir laissé le PS sombrer dans les divisions, par manque de courage ou d’autorité. Comme on le voit, elle n’a pas réussi à le discréditer. Revendiquant une personnalité « normale », ce qui, après tout, de nos jours, serait plutôt une qualité, M. Hollande a tissé sa toile avec minutie et patience.

LE RÉCIT DE L’ANNÉE 2011 DU PS DÉPASSE LA FICTION

Ce qui a été spectaculaire, dans l’histoire récente du PS, c’est d’abord la compétition entre deux personnes, François Hollande et Ségolène Royal, qui ont vécu ensemble pendant 28 ans et ont eu quatre enfants, mais dont l’union a éclaté, apparemment sous le poids de l’ambition de Mme Royal, persuadée depuis 2006 qu’elle a un destin présidentiel qu’elle a placé au-dessus de ses responsabilités familiales, au moment précis où son foyer se divisait. Compagne et compagnon se sont ensuite retrouvés adversaires dans la primaire de cette année, M. Hollande apparaissant comme un candidat neuf tandis que M. Royal perdait en partie l’aura dont elle bénéficiait en 2007. Ce destin étrange d’un homme et d’une femme qui se quittent pour briguer plus tard la magistrature suprême est entré en collision avec un autre destin, celui de Dominique Strauss-Kahn, carbonisé par une « faute morale » à l’instant où il s’apprêtait à se faire élire candidat du PS et, plus tard, président de la République.

Tout est lié. M. Hollande a sûrement bénéficié d’un report des voix de M. Strauss-Kahn, alors que Mme Aubry, si elle en obtient une partie, n’en a pas moins été considérée comme une « candidate de substitution ». L’histoire du PS en 2011 défie l’imagination littéraire. Un bon auteur hésiterait à créer des enchaînements aussi imprévus. Si M. Hollande l’emporte le 16 octobre, puis en mai prochain, il aura réécri « le Lièvre et la Tortue ».

RICHARD LISCIA

Source : Le Quotidien du Médecin: 9020