LE QUOTIDIEN : Quels enseignements tirez-vous du dispositif de Nutrivigilance créé dans la loi Hôpital, patients, santé et territoires ?
Pr GÉRARD LASFARGUES : Ce dispositif était important à mettre en place, car l’offre de compléments alimentaires et d’aliments enrichis n’a cessé d’évoluer ; il fallait se doter d’un outil pour renforcer la sécurité du consommateur exposé à ce marché qui atteint un chiffre d’affaires de 1 353 milliards d’euros en 2013 pour les compléments alimentaires à eux seuls.
Depuis 2009, l’ANSES a reçu plus de 1 560 signalements, dont la majorité concerne les compléments alimentaires (76 %), avec des effets notamment hépatobiliaires, digestifs, allergiques, neurologiques… Ces déclarations ont servi à l’ANSES à produire une dizaine d’avis liés par exemple à la consommation de boissons dites énergisantes, de compléments alimentaires à base de levure de riz rouge ou contenant de la p-synéphrine.
Ces avis attirent l’attention du consommateur sur des risques éventuels, sur des produits souvent perçus comme anodins, et permettent d’impulser des actions au niveau réglementaire. Ainsi, certains industriels ont réduit la teneur en caféine des boissons dites énergisantes.
Comment déterminez-vous l’imputabilité des cas ?
Chaque déclaration des effets indésirables reçue est enregistrée par le dispositif en préservant l’anonymat des patients, puis analysée pour la classer notamment en fonction de la gravité des symptômes. Un score d’imputabilité est calculé selon des méthodes très classiques, à partir des scores sémiologique, bibliographique et chronologique, établis par des experts médecins.
Il est aussi très important de savoir si d’autres agences européennes ou la FDA américaine ont reçu des déclarations similaires pour enrichir notre analyse.
Vous appelez aujourd’hui les médecins à la vigilance sur les compléments alimentaires et les produits enrichis et les incitez à continuer à déclarer les effets indésirables. Pourquoi ?
Un système de vigilance n’est pas un système de surveillance sanitaire qui exigerait un échantillon représentatif de la population générale ou de populations ciblées. Nous n’avons pas d’objectif chiffré ; néanmoins, il nous faut un nombre de déclarations significatif pour détecter d’éventuels produits ou pratiques dangereuses et, le cas échéant, alerter les consommateurs et éclairer les pouvoirs publics.
C’est vrai que vu leur surcharge de travail, il n’est pas facile pour les médecins de ville d’interroger systématiquement leurs patients sur leur consommation de compléments alimentaires ou d’aliments enrichis. Mais il est important qu’ils aient en tête ces questions lorsqu’ils sont confrontés à des problèmes hépatiques, digestifs, neurologiques ou cardiovasculaires, etc. sans cause évidente.
On leur demande aussi d’être particulièrement vigilants concernant les compléments alimentaires sur lesquels l’ANSES travaille actuellement, comme ceux pour les sportifs ou les femmes enceintes. Les résultats de ces expertises sont attendus au cours du premier semestre 2015.
Comment le médecin peut-il s’impliquer ?
L’idéal serait que les personnes qui souhaitent consommer des compléments alimentaires en parlent à leur médecin pour avoir un conseil personnalisé. Pour la majorité, une alimentation équilibrée suffit à apporter les macro et micro nutriments nécessaires à l’organisme. Quant aux patients qui présentent une pathologie particulière, ils doivent consulter un professionnel de santé qui peut estimer l’intérêt et les risques d’un complément alimentaire donné au regard de leurs pathologies et de leurs traitements.
Les médecins peuvent trouver sur le site Internet de l’agence toute l’explication du dispositif et le questionnaire, que l’ANSES a voulu simple. La précision des déclarations est capitale pour travailler sur l’imputabilité. Le dispositif de Nutrivigilance en sera d’autant plus efficace.
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