Étrangère, enceinte, séropositive, menacée d’expulsion

L’appel à Carla Bruni

Publié le 20/06/2011
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« PUISQUE nous nous connaissons. Puisque vous avez déjà reçu nos familles et nos enfants concernés par le VIH et le sida à l’Élysée, nous en appelons aujourd’hui à votre humanité pour éviter l’expulsion d’une jeune femme enceinte séropositive et de son compagnon par les services de la préfecture de Tours. » Ce sont les premiers mots de la lettre adressée à l’épouse du président par le Comité des familles, association créée en 2003 regroupant des séropositifs et leurs familles. « Avant qu’il ne soit trop tard », conclut le comité qui appelle à une mobilisation de la première dame de France contre l’expulsion d’un couple originaire de l’Europe de l’Est, séropositifs tous les deux.

Charlotte, une jeune Ukrainienne, est arrivée en France en 2004 pour continuer sa carrière de danseuse classique. Le mari, originaire de Géorgie, l’a suivi. Ils découvrent leur séropositivité au décours d’un test de dépistage effectué en France. Pendant six ans, le couple qui travaille et a un appartement, parvient à obtenir et à renouveler son titre de séjour. La situation change en 2010. À la suite du transfert de son dossier médical dans une autre ville, une décision différente est prise par la préfecture : le traitement existe en Ukraine, le titre de séjour n’est pas accordé.

La double menace.

Mais, raconte l’association, qui a rencontré la jeune femme par le biais du programme « Grandes sœurs », qui accompagne les parents et futurs parents séropsositifs, « aujourd’hui, Charlotte est enceinte et doit accoucher au mois d’octobre. L’heureuse nouvelle est arrivée alors que le couple tente de faire un bébé depuis 8 ans ! C’est grâce à l’assistance médicale à la procréation (AMP), ouverte aux couples concernés par une infection virale depuis dix ans. » L’association souligne que si le traitement existe bien en Ukraine, seulement 10 % des séropositifs qui ont besoin d’un traitement antirétroviral y accèdent.

« Grâce à l’AMP, on a fait croireà Charlotte qu’elle pourrait avoir une vie normale. Cette décision l’a fait brutalement basculer d’une situation relativement stable à une situation à risque », explique Reda Sadki, du Comité des familles. Or, souligne-t-il, « de 20 à 30 enfants naissent encore chaque année avec le virus sur les 1 500 accouchements annuels de femmes infectées par le virus, la plupart en raison d’une situation de précarité ».

Dans la lettre à Carla Bruni, l’association assure encore : « Charlotte attendait des jumeaux, elle vient de perdre l’un d’entre eux. Le désespoir qui s’est emparé de cette jeune femme retentit sur la poursuite de la grossesse. ». À la menace d’expulsion s’ajoute celle d’une séparation. Si le mari est expulsé, il devra, lui, retourner en Géorgie.

Selon le Comité des familles, avant même le vote de la loi sur l’immigration qui a durci les conditions d’accès au titre de séjour pour les étrangers malades « certaines préfectures refusaient déjà le titre de séjour étrangers malades au mépris de la loi mais le tribunal administratif le leur accordait en cas de recours ». Là, un premier recours vient de se solder par un échec.

> Dr LYDIA ARCHIMÈDE

Source : Le Quotidien du Médecin: 8985