L'Assemblée nationale a approuvé en seconde lecture ce 30 novembre l'extension du délai légal pour pratiquer une interruption volontaire de grossesse (IVG) à 14 semaines de grossesse (16 semaines d'aménorrhée) au lieu de 12 semaines de grossesse, tout en refusant de supprimer la clause de conscience spécifique des médecins.
La proposition de loi « visant à renforcer le droit à l'avortement », préparée par l'écologiste ex-LREM Albane Gaillot, a été adoptée en fin de soirée par 79 voix contre 36 et 8 abstentions, après des débats souvent houleux. Elle doit être encore inscrite à l'ordre du jour du Sénat, pour une seconde lecture, avant un ultime retour à l'Assemblée, ce qui rend incertaine son adoption sous l'actuelle législature, fin février. D'autant que le Palais du Luxembourg avait rejeté en bloc le texte en janvier 2021… Quant au gouvernement, il ne s'est pas prononcé, se rangeant derrière un « avis de sagesse » sur l'ensemble des dispositions du texte. Ce n'est qu'à titre personnel que le ministre de la Santé Olivier Véran s'est dit favorable à un allongement de deux semaines du délai d'accès à l'IVG - allongement en rien contraire à l'éthique, selon le Comité consultatif national d'éthique.
Reprenant l'argumentaire du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) ou de l'Académie de médecine, les adversaires de la mesure ont multiplié les interventions pour asséner qu'entre 14 et 12 semaines, l'« acte d'IVG change de nature, avec des conséquences gynécologiques qui peuvent être graves », selon les mots de Fabien Di Filippo (Les Républicains, LR).
« Cette mesure n'est pas une lubie de militante féministe ; elle est inspirée par des rencontres sur le terrain », s'est défendu la co-rapporteure Albane Gaillot. « Le sujet n'est pas technique, le sujet c'est le droit des femmes à disposer de leur corps », a-t-elle plaidé.
Maintien de la clause de conscience spécifique
Les opposants au texte ont néanmoins réussi à marquer un point en faisant passer des amendements LR vidant de sa substance l'article 2 de la proposition de loi. Initialement, ce dernier supprimait la mention actuelle du Code de la santé publique selon laquelle « un médecin ou une sage-femme n'est jamais tenu de pratiquer une interruption volontaire de grossesse », et stipulait seulement qu'« un médecin ou une sage‑femme qui refuse de pratiquer une IVG doit informer, sans délai, l’intéressée de son refus et lui communiquer immédiatement le nom de praticiens susceptibles de réaliser cette intervention ».
Selon le député LR Patrick Hetzel, auteur de l'un des trois amendements visant à maintenir cette spécificité (en s'en tenant à la rédaction actuelle du Code de la santé publique), les deux clauses ne sont pas identiques : la clause générale, de portée réglementaire, serait moins protectrice pour les médecins que la clause spécifique inscrite dans la loi. Et de rappeler que l'Ordre des médecins, le CNGOF, l'Académie ou encore le Syndicat national des gynécologues obstétriciens de France (Syngof) s'y opposent, « l’avortement n’étant pas un acte médical comme un autre ». Olivier Véran s'est aussi montré réservé : « il n'est pas exclu qu'il y ait une mauvaise interprétation de cette suppression (de la clause spécifique) qui puisse semer le trouble dans la communauté médicale », a-t-il dit. Le ministre de la Santé suit là encore, l'avis du CCNE qu'il avait saisi l'an dernier.
Cette clause de conscience spécifique à l'IVG « n'a pour seul impact que de stigmatiser » les femmes désireuses d'avorter, a estimé a contrario Annie Chapelier (groupe Agir ensemble, allié de la majorité).
Renforcement des compétences des sages-femmes
Autre disposition adoptée par amendement, la loi permet l’extension des compétences des sages‑femmes, déjà autorisées à pratiquer des IVG médicamenteuses, aux IVG par voie chirurgicale, dans un établissement de santé. Et ceci jusqu'à la fin de la 14e semaine de grossesse, et non seulement de la 10e comme initialement prévu.
Enfin, les députés ont supprimé le délai de 48 heures entre l'entretien psycho-social et le recueil du consentement à une IVG, une disposition qui a provoqué de nouveaux affrontements. « Cette disposition permettrait de fluidifier le parcours des femmes et de supprimer une disposition considérée comme infantilisante pour les personnes concernées », fait valoir l'exposé des motifs. Philippe Gosselin (LR) a tenté de défendre un « délai de sérénité, un temps de recul ». « Il n'y a pas d'atteinte à la liberté de choix. On ne supprime pas la possibilité de réflexion pour celles qui le souhaitent », a plaidé la co-rapporteure socialiste Marie-Noëlle Battistel.
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