L’e-cigarette : oui, pour les fumeurs dépendants mais sous conditions

Publié le 28/05/2013
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Crédit photo : AFP

Les experts de l’Office français de prévention du tabagisme (OFT), présidé par le Pr Bertrand Dautzenberg*, ont rendu leur rapport sur la cigarette électronique (ou e-cigarette) aujourd’hui lors d’un colloque au ministère de la Santé. Inventée en Chine en 2005, elle est utilisée régulièrement par 1 % des Français (500 000 personnes), 6 % l’ont déjà essayée. Elle représente un chiffre d’affaires de 100 millions d’euros.

Les connaissances font encore défaut. Mais la nocivité du tabac (responsable chaque année de 73 000 morts, soit 200 par jour) implique l’étude de nouveaux produits de substitution. « On ne peut attendre des données scientifiques établies pour commencer à proposer des recommandations », estiment les experts. « Ce serait laisser les utilisateurs – et les non-utilisateurs –  sans protection à la merci du marché », poursuivent-ils.

Tout en restant très prudents, ils recommandent de ne pas interdire en France l’utilisation de l’e-cigarette, avec ou sans nicotine, ni même d’en freiner l’accès. Elle « devrait en théorie contribuer à une réduction des risques » chez les fumeurs dépendants au tabac. Même s’il est variable, le taux plasmatique de nicotine (lié au contenu réel en nicotine et à la façon de l’utiliser) est « susceptible d’apporter au fumeur dépendant » la nicotine dont il a besoin. « Pour un gros fumeur, ce sera toujours mieux », résume le Pr Dautzenberg. La cigarette électronique ne libère pas de monoxyde d’azote ni de particules solides, elle ne présente pas de taux significatif de substances cancérigènes, à la différence de la fumée de tabac.

Réglementer son accès, l’interdire aux mineurs

L’OFT émet néanmoins toute une série de garde-fous pour réglementer l’e-cigarette et éviter sa promotion auprès des mineurs ou des non-fumeurs. Ils estiment nécessaire, dans leurs 28 recommandations provisoires (en l’état des connaissances), d’interdire la vente de la cigarette électronique aux mineurs, et de la bannir des endroits publics, non par précaution sanitaire mais pour donner l’exemple. « Même sans nicotine, elle pourrait constituer une incitation à fumer ». Il est impossible de faire la différence à l’œil nu entre un produit avec et sans nicotine. Selon une étude récente faite à Paris, 64 % des jeunes de 12 à 14 ans qui avaient essayé la e-cigarette n’avaient encore jamais fumé auparavant, souligne le Pr Dautzenberg.

Les experts recommandent de ne pas laisser les cigarettes qui n’ont pas d’AMM (et ne sont pas vendues en pharmacies) en vente libre dans les supermarchés, mais de les rendre accessibles dans les établissements agréés.

Ils se prononcent pour l’interdiction de la publicité en faveur de la e-cigarette, qui tombera sous la loi Évin. Enfin, ils déconseillent son utilisation par les femmes enceintes ou allaitantes et appellent à la « vigilance » en ce qui concerne son usage prolongé, en l’absence d’études sur une utilisation supérieure à 6 mois.

Contrôle de l’étiquetage.

Les experts émettent plusieurs recommandations en faveur d’un meilleur étiquetage, comme l’affichage sur tous les emballages de la composition précise des e-liquides avec la liste des produits posant éventuellement des problèmes de santé, et la concentration en nicotine des cartouches. Ils souhaitent que les fabricants soient obligés de déclarer la liste des arômes et ingrédients utilisés et qu’un avertissement sanitaire soit visible.

Enfin, l’OFT suggère de porter à 18 mg/ml la concentration maximale de nicotine dans les e-liquides qui n’ont pas le statut de médicament (actuellement, la limite est de 20 mg/ml). Pour les autres e-cigarettes aux concentrations de nicotine supérieures (jusqu’à 40 mg), elles peuvent entrer dans les procédures d’obtention d’AMM et être vendues exclusivement en pharmacie.

Mais les experts se positionnent contre l’article 18 du projet de directive européenne sur les produits du tabac qui impose une réglementation pharmaceutique pour les e-liquides à partir de 4 mg/ml de nicotine. Cela dissuaderait les fumeurs, estime le Pr Dautzenberg.

Un seul des dix experts mandatés à l’origine, Jean-François Etter, professeur de santé publique à l’Université de Genève, s’est refusé à signer le rapport, estimant qu’il n’était pas fondé sur des bases scientifiques. Il a notamment jugé « disproportionnée » l’interdiction de « vapoter » dans les lieux publics.

Le président de la Confédération des buralistes, Pascal Montredon, demande au gouvernement d’aller « jusqu’au bout de la logique de réglementation en confiant la vente de la cigarette électronique à un réseau déjà agréé : les buralistes ».

* Professeur de pneumologie et tabacologue à Paris (GHU Pitié-Salpêtrière-Charles Foix et UMPC Paris 6).

 COLINE GARRÉ

Source : lequotidiendumedecin.fr