France-États-Unis

Le courant ne passe plus

Publié le 30/11/2009
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Crédit photo : AFP

EST-CE BIEN UTILE ? Une affaire de calendrier n’aurait-elle pas pu être traitée dans les coulisses discrètes de la diplomatie ? L’exaspération de M. Sarkozy, traduite par ses remontrances publiques, vient sans doute de ce que, justement, les Américains ne prennent guère le temps de s’expliquer à leurs homologues français. Il existe, indubitablement, une forme d’arrogance dans l’administration américaine qui fait qu’elle en se croit pas obligée de défendre ses décisions devant la France au moment même où Nicolas Sarkozy s’efforce d’affirmer le leadership français, en Europe notamment. C’est clair : aux yeux des États-Unis, la France est une puissance moyenne qui ne suffit pas à représenter l’Union européenne. D’autant que, de toute évidence, c’est du côté de l’Asie, et plus particulièrement de la Chine, que se tournent les regards de l’Amérique. À juste titre, d’ailleurs : c’est la Chine qui détient la plus grosse partie de la dette américaine, c’est la Chine et non l’Europe, qui fera repartir la machine économique mondiale, c’est la Chine qui va accélérer sa propre croissance au point que son PIB pourrait bien rattraper celui de l’Amérique en 2050, encore qu’on puisse nourrir quelques doutes à ce sujet.

Obama n’est pas séduit.

M. Sarkozy a déjà subi un gros échec : non seulement il n’a pas réussi à capter l’intérêt des États-Unis, mais son style ne séduit guère le président des États-Unis. Barack Obama a de la classe, mais ses origines le conduisent à défendre sa respectabilité à chaque instant. Pour rien au monde, il n’utiliserait le langage simple que M. Sarkozy préfère ; il n’est pas l’homme des tapes dans le dos et de la familiarité ; il croit que la fonction qu’il occupe exige de lui de l’humilité mais aussi un respect qui ne peut se traduire que par un comportement élégant ; mieux, aristocratique. À beaucoup de demandes de rendez-vous que notre président lui a adressées, il a répondu par des fins de non-recevoir, pour autant qu’il y ait répondu. Il ne croit pas non plus que M. Sarkozy, qui aime jouer le rôle de mentor, puisse lui donner des leçons de gouvernement. Après avoir lancé mille signaux en direction de M. Obama, M. Sarkozy, frustré, a peut-être pensé qu’en devenant une nuisance, il finirait par attirer l’intérêt du chef de l’exécutif américain.

Peine perdue. M. Obama rencontre de vives difficultés sur le plan intérieur. Il consacre le plus clair de son temps à sauver la réforme de l’assurance-maladie, combattue par bon nombre de ses concitoyens ; il va être contraint à envoyer des renforts en Afghanistan et à exiger le même effort de ses partenaires de l’OTAN, dont le moins que l’on puisse dire est qu’ils ne sont pas enthousiastes ; même sur le réchauffement climatique, il n’existe pas de consensus national aux États-Unis comme en France ; et, si M. Obama a finalement chiffré des objectifs timides de réduction des émissions de gaz à effet de serre, la célébration de Copenhague accroîtrait encore la virulence des républicains, pas convaincus du tout que le réchauffement est provoqué par l’homme plutôt que par la nature.

UNE SÉRIEUSE INCOMPATIBILITÉ DES DEUX CARACTÈRES

M. Sarkozy peut considérer que M. Obama manque de courage dans son traitement de l’opposition : ce n’est pas lui qui craint de s’adresser à la gauche avec fermeté. Mais il n’a pas la moindre idée de la démagogie des critiques d’un parti menacé par la tentation populiste et du climat antiréformiste qui règne aux États-Unis. Face à ce torrent de haine, M. Obama garde son sang-froid, mais, absorbé qu’il est par des tâches presque insurmontables, il n’a guère de temps pour les conversations de salon. Enfin, le taux de chômage officiel dépasse les 10 % aux États-Unis et bientôt le nom même d’Obama sera directement associé à un nombre de demandeurs d’emplois qui n’a jamais été aussi élevé depuis 27 ans.

On dira très justement que M. Sarkozy a le même problème ; c’est bien pourquoi les deux hommes sont séparés moins par des différends que par leurs tempéraments. Pour Nicolas Sarkozy qui, avant même d’être élu, s’était rendu aux États-Unis pour dire à George W. Bush que les « Français aiment l’Amérique », la désillusion est immense. À l’époque, sa démarche semblait utile, malgré les critiques qu’elle inspirait. Il s’agissait de renouer avec les Américains avant même qu’ils ne changent de majorité. M. Bush avait répondu avec chaleur à ce soutien d’autant moins attendu qu’il était rare, pour ne pas dire unique. C’est terrible, mais M. Sarkozy en est à regretter le président américain le plus médiocre de l’après-guerre.

RICHARD LISCIA

Source : lequotidiendumedecin.fr