Les conséquences sanitaires de Tchernobyl

Le nuage s’évapore en un non-lieu

Publié le 12/09/2011
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Crédit photo : AFP

LA CHAMBRE d’instruction de la cour d’appel de Paris a mis fin à l’enquête sur l’impact du nuage de Tchernobyl en France. Elle accorde un non-lieu à l’ancien responsable du Service central de protection contre les rayons ionisants (SCPRI) le Pr Pierre Pellerin, qui était le seul mis en examen pour « tromperie aggravée » en 2006 dans cette affaire. « C’est un point final à ce dossier », a dit Me Bernard Fau, l’avocat des parties civiles. « C’est une décision qui va laisser un goût amer du point de vue des victimes. Elle va également laisser un goût amer chez tous ceux qui, dans la société civile, ont attaché un intérêt à l’impact que peut avoir un nuage radioactif survolant un pays après une catastrophe nucléaire » a-t-il poursuivi.

L’enquête avait été ouverte en 2001 après une plainte de l’Association française des malades de la thyroïde (AFMT) et de la Commission de recherche et d’information indépendante sur la radioactivité (CRIIRad). La juge d’instruction Marie-Odile Bertella-Geffroy avait concentré ses investigations sur les informations communiquées en termes de radioactivité sur l’Hexagone au moment du passage du nuage au printemps 1986. Pour le ministère public, qui demandait la fin de l’enquête, les analyses scientifiques versées au dossier s’accordent pour établir que la catastrophe nucléaire de 1986 n’a pas eu de conséquence sanitaire mesurable en France. En particulier, aucun lien n’a été fait avec des maladies de la thyroïde. Tout en reconnaissant que des raisons pouvaient justifier l’arrêt de cette enquête, MFau a estimé qu’il aurait été plus « satisfaisant » de voir la juge d’instruction décider de clore elle-même ce dossier.

Pour le député Noël Mamère (Europe Ecologie-Les Verts), « c’est une preuve supplémentaire de la nécessité de sortir du nucléaire, qui est une industrie dangereuse et qui est basé sur le mensonge et l’omerta. C’est aussi une insulte pour ceux qui sont malades des suites du passage du nuage de Tchernobyl ». Même indignation pour la députée européenne Corinne Lepage, qui y voit la marque d’« une garantie d’impunité (...) scandaleuse ».

Cassation.

En Corse, où l’augmentation du nombre des malades de la thyroïde a explosé dans les années suivant la catastrophe, ce non-lieu est d’autant plus incompris. « On s’est moqué de nous », accuse le Dr Denis Fauconnier, généraliste aujourd’hui retraité, l’un des premiers à avoir alerté sur les retombées du nuage. « Les dégâts provoqués étaient connus au plus haut niveau de l’État. Je n’ai cessé depuis 1986 de réunir les preuves de la répercussion du passage du nuage radioactif sur la Corse, elles sont irréfutables. » Plusieurs experts ont observé « une augmentation, importante à très importante, après 1986 dans l’espèce humaine de la proportion des troubles thyroïdiens par rapport aux autres affections endocriniennes ». La présidente à l’Assemblée de Corse de la commission Tchernobyl, chargée d’établir une carte épidémiologique en Corse, a indiqué que les travaux continueraient. « Nous n’acceptons pas le mensonge d’État et notre enquête doit permettre à des victimes d’aller en justice », a insisté Josette Risterucci. Me Fau, a annoncé que « l’association qui regroupe les victimes va se pourvoir en cassation contre cet arrêt pour avoir épuisé toutes les voies de recours ».

STÉPHANIE HASENDAHL

Source : Le Quotidien du Médecin: 9001