LES RÉACTIONS aux propos de Benoît XVI qui, pour la première fois, admet l’utilisation du préservatif « dans certains cas » sont à la mesure de la vague d’indignation soulevée par ses propos de 2009 dans l’avion qui le menait au Cameroun lors de sa première visite en Afrique. Le souverain pontife avait affirmé qu’on ne pouvait « pas régler le problème du sida avec la distribution de préservatifs » et que, « au contraire, (leur) utilisation aggrave le problème ». Cette déclaration, vivement critiquée, en particulier par les spécialistes et les associations de la lutte contre le sida, confirmait la position du Vatican, opposé à toute forme de contraception autre que l’abstinence.
Le livre d’entretiens « Lumière du monde », publié hier en Allemagne et en Italie et qui sortira le 3 décembre en France (Bayard) marque le premier infléchissement de l’Église dans ce domaine. À la question de Peter Seewald : « L’Église n’est pas fondamentalement contre l’utilisation de préservatifs ? », le souverain pontife répond : « Dans certains cas, quand l’intention est de réduire le risque de contamination, cela peut quand même être un premier pas pour ouvrir la voie à une sexualité plus humaine, vécue autrement. » Et le pape d’expliciter son propos : « Il peut y avoir des cas individuels, comme quand un homme prostitué utilise un préservatif, où cela peut être un premier pas vers une moralisation, un début de responsabilité, permettant de prendre à nouveau conscience que tout n’est pas permis et que l’on ne peut pas faire tout ce que l’on veut. »
Situation exceptionnelle.
Homme prostitué ou femme prostituée, les traductions divergent entre les versions allemande et italienne, mais l’exemple est bien celui choisi par Benoît XVI. Attention, prévient-il, le préservatif « n’est pas la façon à proprement parler de venir à bout du mal de l’infection à VIH » et « se polariser sur le préservatif signifie une banalisation du sexe et c’est exactement le danger, que beaucoup de gens considèrent le sexe non plus comme une expression de leur amour, mais comme une sorte de drogue, qu’ils s’administrent eux-mêmes ».
Le Saint-Siège dans un communiqué, tout à fait inhabituel, a tenu à préciser que « le raisonnement du pape ne peut pas être considéré comme un tournant révolutionnaire », soulignant que l’utilisation éventuelle du préservatif gardait un « caractère exceptionnel ». Le père Federico Lombardi, porte-parole du Vatican, explique : « Le pape a considéré une situation exceptionnelle dans laquelle l’exercice de la sexualité représente un vrai danger pour la vie de l’autre. Dans ce cas précis, le pape ne justifie moralement l’exercice désordonné de la sexualité mais considère que l’utilisation du préservatif puisse être un premier acte de responsabilité. »
Pas de changement de fond, donc, mais la « brèche est ouverte », se réjouit réjoui l’association Chrétiens et sida, pour qui « cela va permettre la libération de certaines personnes qui auraient pu avoir des doutes ». Le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon, juge les propos du pape « bienvenus » et « réalistes » tandis que Margaret Chan, directeur exécutif de l’OMS se réjouit de constater que, « pour la première fois, l’utilisation de préservatifs dans certaines circonstances est admise par le Vatican. C’est une bonne nouvelle et un bon début pour nous. » À la veille de la Journée mondiale du sida du 1er décembre, le Dr Michel Sidibé, directeur exécutif de l’ONUSIDA, le Dr Michel Sidibé, y voit « un pas en avant significatif et positif ».
Ouverture partielle.
Le Pr Jean-François Delfraissy, directeur de l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites, rappelle que la pandémie se poursuit, avec plus de 7 000 nouvelles infections chaque jour. Il regrette que le pape n’ait pas été plus loin : « Cette ouverture ne me paraît que partielle, j’aurais souhaité qu’elle soit plus large. En dépit du développement de nouveaux outils comme les antirétroviraux, la pierre angulaire de la prévention reste les modifications du comportement et bien sûr l’utilisation du préservatif. La parole du pape a un retentissement international. Ses propos en Afrique avaient semé le doute. J’espère que ces nouvelles positions vont permettre de lever les blocages et vont faciliter le travail des équipes. » À titre personnel, en tant que médecin catholique « catastrophé » par les propos de 2009, il se réjouit de ce premier pas. Il entend continuer à œuvrer auprès du Vatican, car dit-il, « il faut que cela bouge car il n’est pas écrit dans les dogmes de l’Église qu’il ne faut pas utiliser le préservatif. »
Du côté des associations, le compte n’y est pas. Act-up estime que si le pape veut vraiment lutter contre l’épidémie, « il faut qu’il reconnaisse que les politiques d’abstinence et de fidélité sont des échecs et sont directement responsables de la mort et de la contamination de centaines de milliers de personnes. » Sidaction, qui « se désole d’une nouvelle prise de position » à « l’opposé des certitudes scientifiques », estime que « l’utilisation du préservatif doit être promue de façon étendue partout où des hommes et des femmes sont exposés au VIH ».
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