« L’AP-HP n’est pas assez chère. On passe pour des mauvais! ». Tel est le constat dépité de ce chirurgien orthopédique, chef de pôle à l’AP-HP, qui voyage beaucoup.
« La patientèle internationale ne sait pas évaluer la qualité des soins, reprend ce PU-PH. Elle fait tourner le globe avec le prix pour unique critère. Plus c’est cher, mieux c’est. Pour une prothèse du genou, nous prenons 15 000 euros, quand l’Allemagne en demande 35 000, la Suisse 50 000, et les États-Unis 80 000 ».
L’ex-médecin de l’équipe de France de foot livre une anecdote concordante. « Du jour au lendemain, relate le Dr Jean-Pierre Paclet, le Qatar a cessé d’envoyer ses footballeurs blessés à Paris. Vous n’êtes pas assez cher, m’avait expliqué le médecin de l’équipe. Ils nous ont pris pour des rigolos, et sont partis en Allemagne ».
L’AP-HP est déficitaire, sa dette dépasse le milliard d’euros. Pourquoi ne pas faire payer les étrangers plus que les Français ? C’est tout l’enjeu du contrat signé en catimini l’été dernier avec la société Globemed. Un changement de cap - et de culture -, avec devis systématique, accueil sur le sol français, traduction de documents médicaux... Les médecins, tenus à l’écart du projet, n’ont pas apprécié d’être mis au pied du mur. Chaude ambiance à la CME cet automne. « C’est une idée clivante au sein de l’hôpital qui risque de créer une médecine à deux vitesses, a prévenu son président, le Pr Loïc Capron. Le risque social est disproportionné par rapport au possible gain financier ».
Le groupe de travail installé par l’AP-HP pour calmer le jeu conclut qu’il existe une carte à jouer. À la condition, et c’est une exigence forte des médecins, de poser des gardes fous.
Sur l’échiquier international, l’AP-HP est à la traîne, même si certains professeurs, tel Gérard Saillant, agissent comme des aimants. La Pitié-Salpêtrière, l’HEGP, Cochin et Necker reçoivent quelques centaines de patients étrangers par an. Un flux marginal, comparé au New York Presbytarian Hospital qui soigne plus d’étrangers que d’Américains.
Laïcité, délais d’attente... : des écueils à éviter
Les patients étrangers hors AME rapportent 60 millions d’euros par an à l’AP-HP. L’objectif est de majorer le prix de journée de 30 %. Rémunérateur, le contrat signé avec Globemed se heurte à plusieurs freins. Problème numéro un : l’intrusion de bactéries multirésistantes en provenance du bout du monde. Or qui dit chambre seule, dit surcoût. Gare aussi aux passe-droits qui désorganisent les services (Cochin, fut un temps, a eu des blocs réservés aux étrangers). Cet anesthésiste se méfie : « On ne saura jamais si M. Dupont n’a pu être opéré à cause de l’émir. Les patients privés passent déjà les premiers le matin au bloc. Il ne faudrait pas que les patients de Globemed s’intercalent entre eux et ceux du secteur public ».
Faut-il créer des quartiers VIP pour hôtes de marque ? Voire un hôpital dédié ? Une majorité de médecins s’y opposent. De même refusent-ils toute entorse à la laïcité. « Les médecins allemands acceptent que des femmes ne soient suivies que par des femmes. Ce sont des businessmen », fustige ce praticien. Autre question en suspens : à qui reverser les recettes dégagées ? Au pôle, à l’hôpital, au siège de l’AP-HP ? La question fait débat.
Pour relever le défi, l’AP-HP devra fédérer toutes ses troupes. La partie n’est pas gagnée. La CGT santé prévenait l’été dernier : « La sélection des patients selon leur compte en banque est inacceptable ».
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