HARCÈLEMENT scolaire, saccages d’école, passages à tabac, violences sexuelles, suicides : les violences commises contre et par des mineurs ont largement été médiatisées cette année. Après avoir organisé les états généraux pour la sécurité de l’école, puis les assises nationales sur le harcèlement à l’école en 2011, le ministre de l’Éducation nationale, Luc Chatel, a ravivé la polémique du dépistage en prévoyant une évaluation des enfants en dernière année de maternelle.
« On est tous parfaitement au courant que des enfants connaissent des problématiques de souffrance psychique qui se traduisent par des troubles du comportement de façon de plus en plus évidente. Les enseignants n’arrêtent pas de nous en parler et nous voyons, dans nos consultations, des enfants plus jeunes avec des troubles plus importants. La réalité de la souffrance est incontestable. La question est de trouver la méthode pour y répondre », analyse le pédopsychiatre Pierre Delion (Lille). Or le projet ministériel dont les médias se sont fait l’écho ne lui semble pas à la hauteur des enjeux.
Présenté initialement comme une « aide à l’évaluation des acquis en fin d’école maternelle », le dispositif était censé aider les enseignants à évaluer les élèves sur le comportement à l’école, le langage, la motricité et la conscience phonologique. En fonction des résultats, les élèves auraient été classés selon trois catégories – « RAS »(rien à signaler), « à risques » et « à hauts risques » –,avec la possibilité, pour les enfants en difficulté, de bénéficier d’un « entraînement progressif » conduit par les enseignants, qui se traduirait par deux heures de soutien hebdomadaire.
Contrôlés positifs.
Une mesure que Pierre Delion juge dérisoire, alors que 100 000 postes sont supprimés à l’Éducation Nationale, que les RASED (Réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté) disparaissent et que la question se pose sur l’accueil des enfants relevant des maisons du handicap (MDPH). « Il ne s’agit pas de crier au scandale mais ce sont des larmes de crocodile pour régler un problème grave et pour lequel les solutions institutionnelles existantes sont aujourd’hui fragilisées par la politique du gouvernement », nuance-t-il. « On peut se poser la question du sérieux de cette évaluation puisqu’elle débouchera sur une aide qui ne l’est pas ». Comme en 2005, quand le rapport de l’INSERM sur le « Trouble des conduites chez l’enfant et l’adolescent »avait fait grand bruit, Pierre Delion évoque le risque de stigmatisation des enfants qui, à 5 ans, « vont se retrouver dans la position d’avoir été contrôlés positifs aux troubles du comportement avec un livret scolaire en conséquence ». Le Comité national d’éthique (CCNE) avait également évoqué, dans un avis de 2007, le danger d’émettre « une prophétie autoréalisatrice, c’est-à-dire de faire advenir ce que l’on a prédit du seul fait qu’on l’a prédit ».
Certes, répond Antoine Guedeney, l’un des auteurs du rapport de l’INSERM, « il aurait fallu être plus attentif à la crainte de stigmatisation lié au dépistage »*. Mais « notre raisonnement était probabiliste : un facteur de risque n’est pas un destin ». Et de préciser que le rapport, « qui faisait la revue de la littérature scientifique et médicale, a notamment montré que les vrais troubles du comportement des adolescents ne commencent jamais à l’adolescence : ils ont toujours été précédés par des difficultés croissantes à partir de 3-4 ans ». Antoine Guedeney (Bichat-Claude Bernard) n’en démord toujours pas, les troubles du comportement ne sont pas à banaliser.
Des solutions concrètes.
Il reste à savoir si l’outil de « repérage précoce de la difficulté scolaire » proposé par Luc Chatel est adéquat, le ministre ayant déjà reconnu une « maladresse » s’agissant des termes « à risques » et à « hauts risques ». « J’ai une philosophie très différente du travail, reconnaît Pierre Delion. Pourquoi ne pas continuer à faire en sorte que les enfants qui présentent des troubles psychiques (des troubles en plus, mais aussi en moins, comme le mutisme, par exemple) puissent être repérés par leurs instituteurs, préalablement formés. Mais ensuite, plutôt que d’en référer à leur hiérarchie, il faut en parler d’abord avec les parents et trouver des solutions », notamment par la voie de la psychiatrie de secteur, avec les centres médico-psychologiques (CMP), les centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP). « Dans ma pratique, je conseille effectivement de faire une réunion de travail avec l’instituteur, les parents, l’enfant et éventuellement les soignants. Il faut que l’évaluation de la souffrance psychique engage les parents et l’enfant dans un processus qui les concerne. Cette évaluation existe, mais on en diminue l’efficacité car on diminue les moyens. Je pense que nous sommes tous pour des solutions concrètes, car on est inquiet : la prévalence de ces symptômes chez les enfants petits croît sans cesse depuis des années ».
* « Le Quotidien » du 29 septembre 2011.
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