Le saturnisme en augmentation chez les enfants à Marseille

Publié le 28/10/2014
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Crédit photo : AFP

Des cas de typhus, de tuberculose, de saturnisme, toutes ces maladies que l’on croyait éradiquées en France ont refait surface à Marseille dans les quartiers les plus pauvres de la ville. C’est le triste constat que dressent les soignants du centre de soins de Médecins du monde, basée dans le 3e arrondissement de Marseille recensée comme l’un des plus pauvres d’Europe.

Des permanences du CASO ne désemplissent pas

Les permanences de ce CASO ne désemplissent pas. Avec chaque année, plus de 4 000 patients dont environ 14 % de mineurs qui bénéficient d’une ou de plusieurs consultations de médecine générale et d’un accompagnement social en cas de besoin. 92 % de cette population vit en dessous du seuil de pauvreté et 90 % vit dans un logement précaire. « Nous recevons beaucoup de personnes à la rue, et qui n’arrivent plus à se soigner, indique le Dr Boeno, responsable de mission à Médecins du monde. On reçoit de plus en plus de jeunes, notamment d’étudiants, de retraités avec un minimum vieillesse, de travailleurs pauvres. La précarité sanitaire grignote l’échelle sociale. » Ces personnes ne peuvent plus subvenir aux besoins fondamentaux, la faim, le logement, les soins. Elles acceptent des conditions précaires, voire insalubres, de logement, ce qui impacte directement leur santé.

Tuberculose… et une « rue de l’asthme »

Le Dr Boeno, qui a aussi un cabinet de généraliste dans le 3e arrondissement de Marseille, voit réapparaître des cas de tuberculose et de typhus dans son cabinet. « Nous avons aussi de plus en plus d’asthmatiques. Une rue a même été baptisée "rue de l’Asthme" tellement nous recevons de cas liés aux hébergements insalubres et humides », explique-t-il.

Le Dr Rémi Laporte, référent pédiatrique du CASO, est confronté tous les jours à des pathologies liées au logement. Il travaille aussi dans une « consultation enfant santé environnement », à l’Hôpital Nord, qui a reçu près de 300 enfants depuis sa création l’année dernière. « Depuis 2011, les Bouches-du-Rhône est le seul département pour lequel les cas de saturnisme sont en augmentation. Nous avons recensé 45 enfants touchés par le saturnisme en 2013, mais ce n’est pas étonnant quand on voit l’état de vieux logements marseillais qui recèlent beaucoup de plomb, et qui ne sont même pas diagnostiqués. Un quart des enfants sont intoxiqués mais je suis certain que le risque du plomb est sous-évalué. »

Une consultation santé environnement

Le Dr Laporte décrit un tableau clinique alarmant pour ces enfants atteints de saturnisme : anémies, troubles du comportement et problèmes scolaires à cause des troubles de l’attention qu’elle génère. « Il n’y a pas de médicament pour bloquer les effets du plomb. On peut juste le repérer et essayer de mettre ces familles dans une dynamique positive pour protéger les enfants de ces effets. Mais habiter un appartement pourri et voir ses enfants intoxiqués, c’est pour beaucoup une double souffrance psychologique qui n’est pas prise en charge. » Cette consultation enfant santé environnement, est financée en grande partie par l’ARS PACA sur l’Hôpital Nord. Les médecins y reçoivent des enfants très pauvres qui n’ont pas de sécu et qui sont orientés par les urgences pour des consultations à répétition. Mais la gravité des problèmes qui relèvent autant du social, que de l’environnement et du monde de la santé nécessite une réponse coordonnée. Un dépistage à l’Hôpital Nord peut engager une intervention au niveau de l’habitat lui-même. « Mais il se passe parfois plus de 8 mois pour extraire des personnes de leur logement indigne, assure encore le Dr Laporte. Ce sont des processus très complexes, qui fabriquent des enfants puis, plus tard, des adultes exclus de la santé dans les faits. Et quand on voit qu’il n’y a même pas le mot saturnisme ou plomb dans le futur plan santé-environnement, on est en droit de se poser des questions. »

Hélène Foxonet, à Marseille

Source : lequotidiendumedecin.fr