« NOTRE étude identifie, pour la première fois, le système dopaminergique du striatum ventral comme un circuit cérébral susceptible d’être impliqué dans la psychopathie», explique au « Quotidien » le Dr Joshua Buckholtz de l’Université Vanderbilt à Nashville (États-Unis), premier signataire de l’étude publiée dans la revue «Nature Neurosciences ».
« Nos résultats ouvrent la voie à de futures études qui cibleront ce système, de façon pharmacologique, par exemple, pour diminuer l’agressivité et le comportement antisocial ».
La psychopathie est un trouble de la personnalité fortement lié à la criminalité. Il est caractérisé, notent Joshua Buckholtz, David Zald, et coll., « par l’association charme superficiel, comportement antisocial chronique, recherche de sensations fortes avec peu de réflexion, empathie émoussée et insensibilité a la punition, ainsi que des expériences émotionnelles superficielles ».
Les études sur les voies neurales sous-tendant la psychopathie se sont concentrées jusqu’ici sur le déficit émotionnel profond des psychopathes. Elles ont souligné le rôle possible d’une dysfonction de l’amygdale et du cortex préfrontal ventromédian dans l’absence d’empathie et le déficit du traitement de la peur.
Cependant, l’autre facette de la psychopathie, la dimension impulsive et antisociale, prédit mieux les comportements criminels violents. Les voies neurales qui sous-tendent cet aspect restent inconnues.
Circuit dopaminergique mésolimbique.
Puisque la psychopathie est liée à un risque accru de toxicomanie et que le système dopamine mésolimbique joue un rôle important dans la physiopathologie de la toxicomanie, Buckholtz et coll. ont émis l’hypothèse que certains traits psychopathiques pourraient être liés à une dysfonction du circuit de récompense dopaminergique mésolimbique.
Pour vérifier cette hypothèse, l’équipe a étudié un groupe de volontaires normaux non toxicomanes. Ils ont été évalués par l’inventaire de la personnalité psychopathique (PPI), composé du facteur PPI-FD (fearless dominance), qui mesure l’aspect émotionnel-interpersonnel de la psychopathie et du facteur PPI-IA (impulsive antisociality), lié au comportement antisocial.
« Nous avons constaté que les participants qui avaient de hautes tendances impulsives et antisociales (score élevé PPI-IA) présentaient une nette augmentation des taux de dopamine dans le noyau acumbens après la prise d’un psychostimulant amphétaminique. Dans certains cas, l’augmentation était quatre fois plus importante, par rapport aux participants ayant une faible tendance impulsive antisociale, précise le Dr Buckholtz. De plus, les participants avec une haute tendance impulsive antisociale présentaient bien plus d’activité dans le noyau acumbens lorsqu’ils avaient la possibilité d’appuyer sur un bouton pour obtenir un gain financier… Par conséquent, notre recherche montre une profonde hyperréactivité du système de récompense dopaminergique chez les personnes ayant une forte tendance impulsive antisociale ».
Ne pas se préoccuper des conséquences.
Le Dr Buckholtz souligne deux points importants. « Cette étude éclaire le fait que les psychopathes ne présentent pas un manque général de réactivité ; l’hyperréactivité observée dans le circuit dopaminergique pourrait en fait, les amener à prêter bien plus d’attention à obtenir des récompenses (argent, rapports sexuels, prestige) quitte à ne pas se préoccuper d’autres choses, comme des conséquences possibles de leurs actes vis-à-vis de leurs victimes ou même d’eux-mêmes ».
« Aucun de nos sujets n’était des psychopathes diagnostiqués cliniquement. Ils étaient tous volontaires, sans trouble psychiatrique ni antécédent de toxicomanie. Ceci est important car une exposition antérieure aux drogues addictives peut amener des changements durables dans la fonction dopamine qui pourraient rendre les résultats d’une telle étude difficiles à interpréter ».
« Il faut considérer les traits psychopathiques comme opérant le long d’un continuum. Les participants à notre étude pourraient être votre belle-mère machiavélique, votre patron tyrannique ou vos collègues intrigants, mais aucune de ces personnes n’a commis de crime violent. Cependant, si l’on continue de se déplacer le long du spectre, on trouve alors le classique psychopathe… Nous nous cherchons maintenant à comprendre comment les facteurs de risque génétique de psychopathie pourraient prédisposer au développement du comportement antisocial, en influençant la fonction dopamine », conclut le Dr Buckholtz.
Nature Neurosciences, 14 mars 2010, DOI: 10.1038/nn.2510.
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