« Ces "praticiens" n’ont qu’un seul intérêt : tirer profit financièrement des personnes en les manipulant mentalement », a alerté d'un ton grave la magistrate Hanène Romdhane, à la tête de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes). Invitée du congrès Cham, elle a lancé un réquisitoire sévère contre ces « charlatans, des criminels » qui investissent le champ de la santé.
Crudivorisme, psycho-énergétique, Reiki, kinésiologie… Ces dérives ont explosé depuis la pandémie. Au point que fin 2020, sur les 3 000 saisines enregistrées par la Miviludes, 38 % relevaient de la santé. « L’engouffrement dans ces pratiques non conventionnelles est terrible », atteste Joséphine Cesbron, présidente de l’Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu victimes de sectes (UNADFI).
« Plaie »
De quoi parle-t-on ? « De pratiques de soins qui ne sont pas éprouvées par la science, réalisées par un leader charismatique qui va convaincre la personne de renoncer à son traitement conventionnel », résume d'emblée Hanène Romdhane. « On parle de dérive sectaire lorsque le prétendu praticien va placer son client dans une relation d’emprise mentale », souligne-t-elle.
Ces pratiques sont souvent assimilées à un exercice illégal de la médecine, comme le crudivorisme qui a explosé sous la houlette du médiatique youtubeur Thierry Casasnovas. « C'est une plaie dans notre société », fustige Hanène Romdhane. « Certains adeptes du crudivorisme proposent de guérir la dépression en se suspendant à l’envers pour faire "descendre la pression" », illustre Joséphine Cesbron.
Vide juridique
Certains charlatans profitent des plateformes de prise de rendez-vous, comme Médoucine, pour vanter leurs pratiques ubuesques. « On peut par exemple y trouver un psycho-généalogiste qui propose de guérir le stress post-traumatique, c’est inconcevable ! », se désole Joséphine Cesbron.
La magistrate Hanène Romdhane regrette « un vide juridique et une absence de prise en compte de cette problématique au niveau du ministère de la Santé ». D’autant que certaines dérives conduisent jusqu'au décès. La responsable de la Miviludes cite le cas d’une femme atteinte d’un cancer du sein qui, après avoir renoncé à la chimiothérapie, était tombée sur le profil d’un médecin « anthroposophe ». « Il lui propose alors des injections de gui, la dame est décédée », raconte Hanène Romdhane. L’Ordre a été saisi et le praticien a écopé de deux ans de suspension. « Ce n’est rien par rapport à cette perte de chance ! », lance la magistrate.
Contrôles dans les facs, les salles d'attente…
Pour combattre ces dérives sectaires, la cheffe de la Miviludes souhaite que les pratiques de soins non conventionnelles « soient encadrées par la loi ». Elle entend aussi faire le ménage dans les facs ! « J’interdirais par exemple toute formation des médecins à l’anthroposophie, comme c’est le cas à l’Université de Strasbourg », tacle-t-elle. La magistrate voudrait par ailleurs réaliser des contrôles « dans tous les établissements de santé », regrettant « qu’à l’AP-HP, vous pouvez trouver dans les salles d’attente des prospectus pour des pratiques de soins non conventionnelles, sans avoir aucune garantie qu’il s’agit de gens sérieux ».
Les plateformes de prise de rendez-vous médicaux sont également sous surveillance. L'Ordre national des médecins presse ainsi le géant Doctolib de « séparer clairement » les professionnels de santé des autres professions qui n'ont pas les mêmes finalités. « Il faut un site à part », déclarait fin septembre au « Quotidien » le Dr François Arnault, président de l'Ordre.
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