Vote démocratique et incohérence populaire

Les échecs du suffrage universel

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Publié le 06/10/2016
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Les échec du suffrage universel

Les échec du suffrage universel
Crédit photo : AFP

Si le Brexit est le meilleur exemple de la thèse que nous avançons, c'est parce que ceux qui ont souhaité le référendum avaient des objectifs divers, sauf celui de quitter l'Europe. L'ex-Premier ministre, David Cameron voulait un « non » qui eût fait taire une fois pour toutes les forces hostiles à la construction européenne au sein même de son parti et de son gouvernement ; Boris Johnson voulait un « oui » à une infime majorité qui lui aurait permis de supplanter M. Cameron ; la plupart des milieux économiques et financiers étaient convaincus, en dépit de sondages alarmants, que le Brexit ne passerait pas, sous-estimant de la sorte la vive hostilité du Britannique moyen, et principalement des ruraux, à l'UE. Le pire, c'est que rien n'avait été prévu en cas de Brexit.

Ce qui n'empêche pas la démarche britannique de faire tâche d'huile. Partout, ceux qui prétendent régler un grave problème national en respectant la volonté populaire, s'en remettent au suffrage universel. Il est néanmoins inquiétant que l'Espagne, après deux élections générales, n'ait toujours pas de gouvernement, alors que la droite dispose d'une majorité relative. C'est à désespérer des procédures démocratiques. Il est encore plus alarmant que les scrutins allemands confirment, l'un après l'autre, la montée du populisme. Il est curieux que le Hongrois Viktor Orban ait procédé à un référendum pour rejeter le principe d'une répartition des migrants dans les pays de l'Union européenne, qu'il ait obtenu une forte majorité mais que la consultation soit sans effet parce que le taux d'abstention était largement supérieur à 50 %.

Le cas de la Colombie

En Colombie, les FARC, forces armées révolutionnaires, semaient la mort et la misère  depuis plus de 50 ans. Le gouvernement colombien engage une négociation qui dure des années, obtient un accord, le soumet à un référendum. Le peuple refuse l'accord. Il est vrai que l'opposition a contesté des dispositions qui revenaient à accorder aux insurgés des avantages qu'ils ne méritaient pas, comme un quota automatique d'élus au Parlement, et une amnistie générale qui aurait effacé beaucoup de crimes, d'enlèvements, de tortures. Mais là encore, la démocratie a joué contre l'évolution la plus souhaitable des choses. Car, dans le cas de la Colombie, l'alternative à la paix, après tant de souffrances, relève de l'impensable. Il faudra sans doute renégocier avec des guerilleros fourbus, vannés, épuisés, des conditions moins avantageuses pour eux.

Donc, le peuple étant imprévisible, les gouvernements doivent manier avec prudence le recours au référendum. Beaucoup de dirigeants continuent de penser qu'il se présente comme un bon moyen de donner un exutoire à la colère que les difficultés économiques et sociales soulève chez l'électeur. On s'en aperçoit même aux Etats-Unis, où la tentation d'élire Trump, d'inspiration référendaire, est très forte parce qu'il représente une rupture par rapport à la routine électorale, et quelles que soit, par ailleurs, les conséquences de ce choix délétère. C'est un plébiscite en faveur de l'anti-système qu'une fraction du peuple américain veut accorder.

Le spectacle fourni par quelques paysages politiques étrangers montre en tout cas que l'on ne sait pas vraiment comment un peuple réagira non seulement dans le cadre d'élections prévues, mais dans celui d'un référendum, celui auquel les promoteurs de la VIè République veulent recourir beaucoup plus souvent. Ils ne sont pas du tout assurés qu'ils gèreront le pays plus facilement.

Richard Liscia

Source : Le Quotidien du médecin: 9523