PARFAITEMENT équilibré et structuré, le congrès s’est penché aussi bien sur les maladies émergentes liées au changement climatique ou les champs électromagnétiques que sur les perturbations endocriniennes et cellulaires ou les perspectives encore trop mal connues des nanotechnologies. Dans ce domaine, par exemple, a relevé l'ancienne ministre Corinne Lepage, aujourd'hui députée européenne, on est passé de l'ignorance totale à l'ignorance « organisée », tant les producteurs de nanosubstances et les pouvoirs publics semblent peu pressés de connaître vraiment les risques de ces technologies. Pourtant, on sait déjà qu'une substance inerte à l'état normal peut changer totalement de comportement lorsqu'elle est réduite à l’échelle du nanogramme.
Le manque d'informations sur les nanosubtances ingérées ou inhalées devrait pousser à la prudence, mais c'est la politique de l'autruche qui prévaut, comme cela a souvent été le cas pour les nouvelles technologies, estime le Pr Gilles-Éric Seralini, biologiste moléculaire à Caen, en relevant là comme ailleurs le silence pesant des industriels : « Les grandes firmes considèrent que les analyses du sang des rats nourris au maïs OGM font partie du secret industriel et refusent de les publier, alors que l'on sait que les OGM modifient le poids des organes des rats », a-t-il souligné en réclamant plus de transparence dans ces domaines.
Un inventaire éclairant.
Bien que des études aient déjà montré la persistance problématique des strogènes et des antibiotiques dans l'eau, le problème des autres résidus médicamenteux reste sous-estimé, alors que les stations d'épuration ne les éliminent totalement qu'à hauteur de 10 à 90 %, selon leur composition. Généraliste à Rouen, le Dr Joël Spiroux a recherché des traces de médicaments dans 5 lieux de prélèvement d'eau, dont deux à proximité immédiate du CHU et du centre anticancéreux de la ville, pendant 30 jours consécutifs. Cette étude a permis de repérer au moins 27 molécules pharmaceutiques après passage dans les stations d'épuration. Parmi celles-ci, on a retrouvé chaque jour 14 g d'acide valproïque, 138 g de codéine et 212 grammes de tramadol, mais aussi 1 g de platine, utilisé par le centre anticancéreux, et 10 g de gadolinium provenant des examens d'IRM.
Cette étude est la première à avoir été réalisée à proximité immédiate d'un CHU, et confirme bien que les stations d'épuration ne sont pas adaptées aux produits pharmaceutiques, que l'on retrouve par ailleurs en quantité non négligeable dans d'autres milieux aquatiques : la mer du Nord « s'enrichit » ainsi chaque année de 50 à 100 tonnes d'hypolémiants, les lacs suisses contiennent en moyenne 19 kg de diclofénac et le Rhin en charrie plusieurs kilos par jour...
De plus, ces produits se combinent avec d'autres polluants, en particulier les PCB et les POP, les polluants organiques persistants. Des études menées sur les poissons de l'estuaire de la Seine, de même que sur ceux des grands lacs canadiens, incitent à la prudence, ou, au moins, à la réflexion. La « féminisation » des poissons de l'estuaire de la Seine, avec un déséquilibre important du sex ratio en faveur des femelles, l'apparition d'ovocytes dans les testicules des mâles et un nombre croissant de malformations révèlent l'ampleur des perturbations dont ils sont victimes, tandis que de l'autre côté de l'Atlantique, la proportion de bélugas du Saint-Laurent morts de cancer atteint 18 %. En outre, la bioaccumulation de substances, dont les hormones, chez certaines espèces, atteint des proportions spectaculaires : « Si vous mangez 300 g de moules de l'estuaire de la Seine, a expliqué le Pr François Leboulanger, écotoxicologue au Havre, vous avalez l'équivalent d'une pilule contraceptive. »
Questions sans réponses.
Devons-nous pour autant nous résigner à disparaître, victimes des pollutions, mais aussi de la baisse de la biodiversité, et demain de la microbiodiversité, ou bien des transferts génétiques horizontaux dont on ne sait finalement presque rien ? Non, répondent les plus optimistes, car on ne sait pas non plus comment et à quelle vitesse l'être humain s'adapte à toutes ces évolutions, ni quelles solutions il trouvera pour répondre à ces menaces. Verra-t-on, après demain, des nanomédicaments nettoyer ou remplacer les cellules humaines détruites, rendant au passage la médecine actuelle totalement obsolète ? Au-delà des hypothèses, entre probabilité et science-fiction, ce congrès a rappelé que les scientifiques, comme les décideurs, devraient retrouver la modestie et l'humilité qui permettent de dire « Je ne sais pas » face à des questions sans réponses.
Les travaux se sont achevés par une séance plus philosophique que scientifique, magistralement introduite par David Gee, l'un des dirigeants de l'Agence européenne de l'environnement. Abordant la notion de prudence, il a rappelé, y compris face à des sujets presque consensuels, comme l’innocuité des téléphones mobiles, que « l'absence de preuve de risque ne prouve pas pour autant qu'il n'y a pas de risque ». D'ailleurs, a-t-il terminé, on a cru à l'innocuité de l'amiante pendant 20 ans, mais le danger est apparu brutalement au bout de 25 ans d'usage et d'exposition.
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