Les signaux auraient dû alerter

Publié le 06/02/2012
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L’ANALYSE chronologique de l’affaire des prothèses PIP repose « exclusivement sur pièces », précise le directeur général de la santé (DGS), Jean-Yves le Gall, auteur du rapport avec Dominique Maraninchi, directeur général de l’Agence de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS). Grâce aux archives de la direction des hôpitaux puis de l’AFSSAPS, on sait que dès 1996, les premières prothèses (avec sérum physiologique et hydrogel) fabriquées par la société PIP avaient poussé l’administration à diligenter une inspection. Une « surveillance spécifique » avait été entreprise jusqu’en 1997. Après la fin du moratoire sur le gel de silicone, en 2001, une nouvelle inspection de conformité est effectuée, qui relève « un nombre significatif d’écarts ». Mais la société PIP donne des réponses « jugées satisfaisantes » et aucune inspection n’est reprogrammée jusqu’en mars 2010.

De 2002 à 2008, sous couvert des contrôles de l’organisme européen certificateur, Jean-Claude Mas peut poursuivre ses activités frauduleuses, en toute tranquillité. La première chose à regretter, dans le système de surveillance, c’est que « l’on n’ait pas la mémoire des contrôles », indique le Pr Maraninchi. « On aurait pu prêter plus d’attention à cette société ». Encore qu’une inspection, même inopinée, n’aurait pas été forcément efficace au regard de cette tromperie « particulièrement élaborée », souligne le rapport. La première des propositions découle de ce constat : au niveau national, les inspections et les activités de vigilance réalisées par l’AFSSAPS seront renforcées avec une augmentation du nombre d’inspecteurs, des contrôles plus nombreux et inopinés, « tant sur les lieux de production que dans les établissements de santé ».

Des signalements très tardifs.

Autre défaillance du système, l’Agence n’a pas su prendre en compte les signaux envoyés notamment par l’autorité sanitaire américaine, la FDA, qui, en 2000, avait refusé l’agrément des prothèses PIP. « Nous devons plus coopérer et attraper les faisceaux d’arguments d’où qu’ils viennent », reconnaît le Pr Maraninchi. Une des réponses sera donc, au niveau européen, de « mettre en place une procédure de centralisation des signalements et de traitement entre autorités nationales compétentes suite à un signalement émanant d’un État membre ou d’un fabricant ». Plus largement, la directive relative aux dispositifs médicaux sera remaniée.

Finalement, la découverte de la fraude, en mars 2010, tient à une délation, à un nombre croissant de signalements de rupture de prothèse et à l’alerte spécifique d’un chirurgien marseillais, le Dr Christian Marinetti. Pourquoi les données de matériovigilance n’ont-elles pas joué un rôle avant cette date? C’est que les signalements parvenus à l’AFSSAPS n’ont montré « une inflexion à la hausse » qu’à partir des données de 2008 (analysées mi-2009). La décision de police sanitaire a eu ensuite « un effet de notoriété », relève le Pr Maraninchi, avec 11 fois plus de signalements entre mars 2010 et décembre 2011 qu’entre 2001 et mars 2010. « La différence (du taux de ruptures avec les autres marques de prothèses) aurait été très significative si on avait su plus tôt », regrette-t-il. Quant au signal transmis par le Dr Marinetti, « s’il a été intégré dans la base de données », il n’a effectivement pas fait l’objet d’un accusé de réception.

À la demande du ministère, le Dr Grall et le Pr Maraninchi doivent remettre, début mars, des propositions de « refonte du système des vigilances, permettant une déclaration simple, accessible et rapide pour une efficacité maximale ».

Le rapport de la DGS et de l’AFSSAPS est mis en ligne sur le site du ministère.

 STÉPHANIE HASENDAHL

Source : Le Quotidien du Médecin: 9078