M. ERDOGAN voulait seulement construire un centre commercial sur la place Taksim d’Istanbul. Les habitants de la ville ont d’abord été saisis par un effroi écologiste et ont refusé que l’on abatte des arbres. Puis, ils ont remarqué que, à la faveur du réaménagement de Taksim, on allait porter atteinte à un haut lieu du kémalisme. M. Erdogan a cédé à la fureur de ses concitoyens en retirant les forces de l’ordre, ce qui n’a pas mis un terme aux manifestations, ni aux violences. Les Turcs se découvrent-ils brusquement une vocation environnementale ? Sont-ils à ce point attachés aux fondements de la république turque, eux qui ont porté les islamistes au pouvoir ? La Turquie est profondément nationaliste, donc en accord avec M. Erdogan. Son économie est en forte croissance et la gestion du pays n’est pas en cause. En revanche, l’autoritarisme des islamistes, qui, jusqu’à présent, était plus souvent dénoncé à l’étranger qu’en Turquie, semble avoir provoqué le ras-le-bol des jeunes, apparemment hostiles au voile pour les femmes et aux prescriptions sévères des fondamentalistes : ni alcool, ni tabac.
Une révolution ? Non, une révolte.
Est-ce que tout cela fait une révolution ? On se gardera bien de le supposer. La Turquie n’est pas un pays arabe, mais seulement musulman. Les Turcs ne se sont pas moins passionnés pour le printemps arabe. Qu’ont-ils constaté ? Que, partout, au Maroc, en Tunisie, en Égypte, en Libye, il s’est traduit par l’accession au pouvoir des forces islamistes qui, pourtant, n’ont jamais été à l’origine des soulèvements contre Moubarak, Bel Ali, Kadhafi. C’est de la mêlée insurectionnelle que les islamistes, force déjà organisée dans ces pays avant la chute des dictateurs, ont tiré leur épingle : là où il y a eu des élections, ils l’ont emporté. Mais lorsqu’ils ont pris le pouvoir, ils n’ont pas su gouverner : d’une part, les vrais auteurs de la révolution ont ressenti une frustration durable et campent l’arme au pied ; d’autre part, comme, en toute chose, on trouve toujours plus excité que soi, en Tunisie, les salafistes ont débordé le nouveau pouvoir, soit en fomentant des émeutes et en déstabilisant la société tunisienne par des exigences inapplicables, comme la charia, soit en combattant à la frontière, avec l’aide des djihadistes algériens, contre les troupes régulières.
LES ISLAMISTES NE PEUVENT PAS GOUVERNER SILS RESTENT ISLAMISTES
De quoi Erdogan est-il le nom, sinon d’un ascétisme religieux que la jeunesse turque rejette ? Elle remarque que, en Tunisie, sinon en Égypte, le pouvoir islamiste se voit contraint de combattre par la force des groupes dont le programme est inspiré par les mêmes principes religieux que les siens, qu’il y aurait donc une sorte d’incompatibilité entre la société moderne dont rêvent toutes les jeunesses et la régression obscurantiste. Même en Égypte, le président Morsi, issu des Frères musulmans et prompt à manier le bâton, ne croit pas, au fond de lui-même, qu’il durera, s’il ne satisfait pas les revendications populaires. Elles portent toutes sur un supplément de liberté.
Le chemin sera sûrement plus long pour le deuxième printemps arabe que pour le premier. Cependant, une menace qui inquiétait le monde, celle d’un fondamentalisme étendu à la totalité du monde arabo-musulman, est en train de disparaître. Ce n’est pas que les islamistes aient déjà lâché le pouvoir, c’est qu’ils ne peuvent gouverner en restant obstinément islamistes. Cela vaut pour Recep Tayyip Erdogan, connu pour sa morgue internationale, comme pour d’autres leaders : ils ne peut pas décider de tout en considérant que le peuple est quantité négligeable et doit obéir en toute circonstance. Et le peuple le lui fait savoir.
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