« NOTRE TRAVAIL représente aujourd’hui un grand pas vers la démonstration d’un effet causal de la pollution atmosphérique sur la croissance du fœtus », a déclaré le Dr Rémy Slama, responsable de l’équipe INSERM d’épidémiologie environnementale (Institut Albert Bonniot de Grenoble) lors des dernières rencontres scientifiques de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES). Organisée au siège de l’agence à Maison Alfort (Val-de-Marne), cette journée consacrée aux risques sanitaires liés à la pollution des milieux aériens et hydriques a été l’occasion de présenter les résultats préliminaires de l’étude EDEN AIR+ portant sur l’exposition des femmes enceintes aux polluants atmosphériques et sur ses conséquences au niveau de la santé cardiovasculaire, des échanges materno-fœtaux et de la croissance fœtale. Épaulée de chercheurs de l’institut d’épidémiologie de Munich (Allemagne), de l’association de surveillance de la qualité de l’air (ATMO) de Poitou Charente et d’Air Lorraine, l’équipe INSERM s’est essentiellement appuyée sur la cohorte mère-enfants EDEN.
Près de 2 000 femmes.
Dans cette cohorte, environ 1 900 femmes enceintes recrutées en milieu de grossesse dans les maternités régionales de Nancy et Poitiers ont été suivies entre 2003 et 2006. Chaque femme a eu sa pression artérielle mesurée à plusieurs reprises au cours de la grossesse. À la naissance de l’enfant, ont été pris en compte son périmètre crânien, son poids et celui du placenta. Les données d’exposition fournies par des stations de surveillance de la qualité de l’air concernent des femmes vivant dans des zones situées à une dizaine de kilomètres de l’agglomération de Nancy ou Poitiers. Un modèle « Land-Use Regression » (LUR) a été développé à partir de mesure du dioxyde d’azote dans chacune des deux zones étudiées. Les résultats issus de trois autres modèles déjà disponibles (modèle géostatique, modèle de dispersion, approche reposant sur la station la plus proche) ont été comparés avec ceux du modèle LUR et l’effet à court terme des polluants atmosphériques sur la pression artérielle a été estimé à partir d’un modèle longitudinal ajusté sur les conditions météorologiques. Les données de la cohorte EDEN ont par ailleurs été incluses au sein d’une méta-analyse incluant 13 cohortes européennes (plus de 60 000 naissances) dans le contexte du projet ESCAPE afin de prendre en considération le petit poids de naissance à terme (inférieur à 2,5 kg chez les enfants nés après 37 semaines de gestation), ce qui n’était pas possible avec la seule cohorte EDEN.
Une association nette.
« On observe sur l’ensemble des cohortes une augmentation du risque de petit poids de naissance à terme », résume Rémy Slama. « Avec des niveaux de concentration de NO2 de l’ordre de 10 microgrammes par m3 pendant la grossesse, le risque de petit poids de naissance à terme augmente d’environ 10 % », poursuit le chercheur qui évoque « une association plus nette avec les particules fines sur un effectif plus faible, soit une augmentation d’environ 18 % ». Concernant la diminution du périmètre crânien à la naissance l’association semble concerner uniquement les PM2,5. « Lorsqu’on prenait simultanément en compte les deux polluants, seul l’effet des particules fines sur le petit poids de naissance était maintenu », ajoute-t-il. Pour Rémy Slama, « on a ici l’un des plus grands ensembles de cohortes qui met en évidence une association entre l’exposition des femmes enceintes aux polluants atmosphériques et le petit poids de naissance de l’enfant ». Certains mécanismes en lien avec la fonction cardiovasculaire de la femme enceinte pourraient expliquer cette association. Mais « ce n’est pas évident à mettre en exergue car la grossesse perturbe énormément la fonction cardiovasculaire », note le Dr Slama qui reste donc prudent sur cette hypothèse. Par ailleurs, « les premiers résultats de notre étude tendent à indiquer dans la ville de Nancy où les niveaux de pollution étaient plus élevés, une tendance à la diminution du poids du placenta en fonction des niveaux des particules fines », souligne le chercheur. Alors que le projet EDEN AIR+ et les projets connexes ont permis de développer un ensemble complet de modèles d’exposition aux polluants atmosphériques de manière standardisée dans les agglomérations de Nancy et Poitiers, ces travaux mettent donc en évidence « un effet à court terme des polluants atmosphériques sur la pression artérielle de la femme », ce qui souligne l’intérêt de « poursuivre l’exploration des effets possibles de la pollution atmosphérique sur la santé cardiovasculaire et plus généralement sur les mécanismes par lesquels la pollution atmosphérique pourrait influencer la croissance fœtale », conclut l’étude.
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