42 000 : c'est le nombre d'enfants qui en France, au 22 août 2022, vivent dans des hébergements d'urgence, des abris de fortune, ou dans la rue, autant de situations qui mettent en péril leur santé mentale, dénonce l'Unicef France et le Samusocial de Paris, dans un rapport publié ce 10 octobre, à l'occasion de la Journée mondiale de la santé mentale. Et de réclamer une réponse politique forte, afin de renforcer leur accès à la santé et au logement.
Le rapport qui met en lumière les conséquences de l'exclusion liée au logement, a été réalisé en collaboration avec Santé publique France (SPF) à partir d’une analyse des principales données de la littérature française sur la santé mentale des enfants sans-domicile, ainsi que d’entretiens auprès de professionnels de la santé mentale et de consultations d'une dizaine d’enfants sans-domicile de 9 à 14 ans accompagnés par le Samusocial de Paris.
Si les données épidémiologiques manquent pour dessiner un portrait précis de ces enfants sans abri, une revue de la littérature montre qu'ils sont deux fois plus susceptibles de souffrir de problèmes de santé mentale que les enfants logés à faible revenu. Un constat qui rejoint celui de l’enquête Enfams réalisée par l’Observatoire du Samusocial de Paris en 2013 auprès des familles sans domicile hébergées, selon laquelle plus de 19 % de ces enfants connaissent des troubles psy, versus 8 % en population générale.
L'absence de logement sécure, un élément délétère pour la santé mentale
« La sécurité de l'environnement a un pouvoir thérapeutique considérable. Donner un toit à un sans-abri marche mieux que de lui prescrire des médicaments », indique le Pr Bruno Falissard, pédopsychiatre, cité dans le rapport. Si une « petite minorité des mineurs sont des résilients qui en sortiront grandis, la majorité va en payer les pots cassés », commente-t-il auprès de l'AFP.
Le rapport détaille les conséquences pour la santé mentale d'une privation du « cocon protecteur », qu'est un vrai domicile. Les enfants sont tout d'abord soumis aux aléas météorologiques, à la pollution et à l'insalubrité, y compris lorsqu'ils sont hébergés. Ils sont sujets à l'absence de sommeil et à l'insécurité alimentaire : près de 8 familles sur 10 et deux enfants sur trois souffrent de la faim, selon Enfams, tandis que 21 % des enfants sont en surpoids.
« Il faudrait avoir des hôtels spécialement pour les familles, pas avec des gens qui boivent. On doit être en sécurité », témoigne Adèle, 13 ans, citée dans le rapport. Les relations familiales sont affectées par la surpopulation et les conditions dégradées : toujours selon Enfams, plus d’un quart des mères en situation de mal logement sont en état de dépression. L'école, point d'ancrage, reste un parcours semé d'obstacles. « Quand on habite dans un logement trop petit, avec des petits frères et sœurs, comment on fait pour étudier ? », interroge Julio, 15 ans.
Des difficultés d'accès aux soins exacerbées
La crise de l'accès aux soins de santé mentale est connue, marquée par un « effet ciseaux », engendré par une hausse de la demande des enfants et adolescents et le manque de professionnels. Mais les enfants sans logement fixe voient leurs difficultés d'accès aux soins de santé mentale exacerbées, en raison de leur instabilité résidentielle, de la précarité financière ou encore des difficultés de compréhension et de navigation dans le système de santé.
L'instabilité résidentielle crée une discontinuité des parcours de soins en santé mentale, un allongement des délais déjà très longs, voire des ruptures qui desservent fortement l’enfant. C'est une « double peine », selon la Dr Emmanuelle Peyret (service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent de l’hôpital Robert-Debré), puisqu'elle aggrave l'état de santé et empêche une prise en charge de qualité.
Quant aux alternatives en libéral, elles sont peu voire pas accessibles, lit-on : « Une consultation psy coûte 60 euros. Il faut avoir une mutuelle ou avancer les frais (Dispositif MonPsy). Il y a une ouverture de remboursement mais ça reste très limité. Cela demande aux familles de se mobiliser », écrit la Dr Emmanuelle Peyret.
« Les politiques de l’hébergement, de l’accès au logement et de santé sont insuffisantes pour promouvoir le bien-être des enfants et protéger leur santé mentale. L’Unicef France appelle à renforcer ces politiques à l’aune des besoins spécifiques des enfants », explique Adeline Hazan, présidente de l’Unicef France. De son côté, Vanessa Benoit, directrice générale du Samusocial de Paris, plaide pour « une approche spécifique des solutions, en commençant par proposer des lieux de vie adaptés ».
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