L’usage détourné de sulfate de morphine en pleine expansion selon l’OFDT

Publié le 18/07/2014
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Crédit photo : Phanie

Si l’usage du sulfate de morphine hors du cadre thérapeutique n’est pas un phénomène nouveau, c’est seulement depuis 2011 que l’on observe un accroissement de la demande. Tel est le constat dressé par Agnès Cadet-Taïrou et Michel Gandilhon de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), dans une note de l'OFDT, et destinée à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

Les deux auteurs se sont appuyés sur le dispositif TREND (Tendance récentes et nouvelles drogues) qui collecte des données via la participation des Centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) des Centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction de risques pour usagers de drogues (CAARUD), mais aussi de collectes d’informations lors d’événements organisés autour du courant musical électro (clubs, free parties, teknivals, squats...).

17 % des usagers des CAARUD en 2012

Le dispositif TREND fait ressortir d’importantes disparités géographiques. Ainsi, seulement 29,5 % des usagers des CAARUD ont eu recours à au sulfate de morphine dans l’inter-région ouest en 2012, alors que c’était le cas de 3,3 % de ceux de l’inter-région Nord-Ouest et de 17,7 % dans la région Ile-de-France. Au niveau national, le taux d’usagers de sulfate de morphine dans les CAARUD est passé de 15 à 17 % entre 2010 et 2012.

Cette hausse de la demande trouverait un premier élément d’explication dans les problèmes d’approvisionnement en héroïne des toxicomanes. Depuis 2011, une « pénurie » s’est progressivement installée, faisant baisser le rapport pureté/prix : un récent rapport de l’OFDT sur le sujet indiquait que la pureté moyenne de l’héroïne circulant dans les milieux toxicomanes français avait été divisée par deux entre 2010 et 2012.

La recherche du « flash »

La seconde explication est la recherche de nouveaux produits de substitution pour les patients qui ne sont satisfaits ni de la méthadone ni de la buprénorphine haut dosage. Contrairement à cette dernière, le sulfate de morphine produit un « flash » auquel beaucoup d’usagers ne parviennent pas à renoncer.

Les usagers les plus concernés sont plutôt jeunes, entre 20 et 30 ans, familiers de la sphère festive, et dont la difficulté sociale favorise les pratiques de polyusage. Les plus jeunes recherchent plus particulièrement le Skenan LP à 100 ou 200 mg (les dosages inférieurs se négocient parfois faute de mieux). Au-delà de 30 ans, on retrouve principalement des usagers suivis en traitement de substitution, souvent par méthadone mais en difficulté car toujours injecteurs.

Utilisation hors AMM

Le sulfate de morphine ( Actiskenan, Moscotin...) ne dispose pas d’AMM dans le traitement de la dépendance aux opiacés, mais il est parfois prescrit dans le cadre de la « circulaire Girard » émanant de la Direction générale de la santé qui autorise son utilisation après accord du médecin-conseil de la Caisse primaire d’assurance-maladie en cas d’échec d’autres traitements de substitution.

Les médecins libéraux débordés par la demande

« La question du sulfate de morphine met en lumière les difficultés rencontrées par certains praticiens libéraux isolés pour assurer une prise en charge des usagers de drogues dans de bonnes conditions, » estiment les auteurs, qui pointent parmi les facteurs favorisant la croissance de l’usage du sulfate de morphine les pénuries locales de médecins assurant le suivi des usagers de drogues. « Certains médecins se retrouveraient débordés par la demande et glisseraient hors du cadre thérapeutique, » suggère l’OFDT qui note également que des prescriptions sont parfois obtenues « sous la pression des usagers. » Les auteurs précisent enfin que les trafics délibérés impliquant des prescripteurs constituent un phénomène très rare.

Damien Coulomb

Source : lequotidiendumedecin.fr