LE QUOTIDIEN DU MEDECIN - Depuis le 1er mai, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a remplacé l’AFSSAPS. Cette nouvelle structure a été mise en place par la loi sur le médicament du 29 décembre 2011. Au-delà du changement de nom, qu’est-ce qui va évoluer dans les missions de l’ASNM ?
Pr DOMINIQUE MARANINCHI - Cela n’est pas qu’un changement de nom, ni une évolution cosmétique. C’est le début d’une ère radicalement nouvelle dans le renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé. Cette évolution s’est d’abord traduite au niveau de la gouvernance de l’agence. Notre conseil d’administration, où l’État reste majoritaire, accueille désormais des représentants du Parlement, mais aussi des représentants d’associations de patients. En revanche, l’industrie n’y est plus représentée. La vocation première de l’agence est toujours la même : prendre chaque année, au nom de l’Etat, des dizaines de milliers de décisions visant à concilier la sécurité du patient et l’accès au progrès thérapeutique. Mais le processus de prise de décision a été raccourci afin de le rendre plus efficace. L’AFSSAPS avait 107 instances, dont 15 commissions réglementaires et pour prendre une décision, rendre un avis, il fallait passer par tout un dédale de contraintes. Là, le législateur a souhaité que le directeur général soit le premier responsable des décisions qu’il doit présenter à son conseil d’administration.
Comment l’ANSM va-t-elle appliquer cette exigence d’indépendance et de transparence qui est au cœur de la loi sur le médicament ?
Cette double exigence constitue une des valeurs fondatrices de l’ANSM et sera appliquée à tous les niveaux. Nous allons d’abord assurer une transparence de toutes nos décisions. Tous les experts internes ou externes ainsi que les personnels de l’agence auront l’obligation de faire, tous les cinq ans, une déclaration publique d’intérêts. Toutes les réunions de commissions d’AMM sont d’ores et déjà filmées et l’enregistrement est diffusé sur Internet. Nous publions aussi les comptes rendus où figure l’expression des opinions minoritaires. Dans les commissions, siègeront à côté des experts des représentants des professionnels de santé (médecins, pharmaciens…) et des patients, qui auront tous un droit de vote. Enfin, nous souhaitons que la question de l’équilibre du rapport bénéfice /risque soit au cœur de toutes les commissions de l’ANSM et pas uniquement dans une structure dédiée.
Comment l’ANSM va-t-elle favoriser l’accès aux médicaments innovants et comment va s’opérer la rénovation du dispositif des autorisations temporaires d’utilisation (ATU) ? Il s’agit là de questions qui suscitent diverses inquiétudes dans le monde la cancérologie où, comme vous le savez, l’accès à l’innovation est crucial pour les patients…
Bien sûr. Et la volonté du législateur et de l’ASNM est bien de permettre un accès renforcé, transparent et régulé à l’innovation. La loi va nous permettre de réaliser cette grande ambition : faire de notre pays un leader dans l’accès à l’innovation, ce qu’il est déjà, dans une large mesure, dans le domaine de la cancérologie. Notre volonté est d’offrir un accès rapide et équitable à tous les produits de santé et à tous les patients en ayant besoin. Pour y parvenir, nous allons notamment privilégier l’octroi d’ATU de cohorte, sans pour autant mettre un terme aux ATU nominatives. Aujourd’hui, c’est sur une base individuelle que se fait l’accès à l’innovation. Nous estimons que l’ATU de cohorte est un cadre plus satisfaisant d’accès à l’innovation en termes de surveillance et d’information des patients et des médecins. Car l’objectif est aussi de sécuriser la chaîne de médicaments ne disposant pas d’AMM. Mais les ATU nominatives continueront à être accessibles en sus des ATU de cohorte.
Avez-vous aussi la volonté d’encadrer les prescriptions hors AMM via notamment les recommandations temporaires d’utilisation (RTU) ?
Oui, les RTU, que nous délivrerons, ne seront pas guidées par la question du coût, mais par un besoin de santé. Nous souhaitons aussi que soit instaurée une interrogation permanente de la relation bénéfice/risque dans l’utilisation des produits. L’AMM ne doit plus être figée : elle doit pouvoir évoluer, être remise en question dans un cadre réglementaire. Et nous aurons les moyens de demander à la firme de nouvelles données permettant de savoir si son produit est toujours aussi efficace qu’au moment de l’AMM, notamment par rapport à des comparateurs.
L’ANSM aura-t-elle aussi des moyens pour mener elle-même ses propres études ?
Oui. Nous disposons désormais d’un accès contractuel aux données de l’assurance-maladie, ce qui va nous permettre de réaliser des études de pharmaco-épidémiologie pour évaluer la sécurité des produits dans la vie réelle. La loi nous donne aussi un rôle de coordination scientifique sur l’utilisation et la sécurité des produits de santé avec un Fonds d’intervention de 15 millions d’euros par an. Cela va nous permettre de commanditer des études publiques et de lancer une nouvelle dynamique : de plus en plus de chercheurs, notamment en cancérologie, pourront travailler de manière indépendante sur les produits de santé pour optimiser leur utilisation.
* Directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).
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