Précampagne électorale aux États-Unis

Obama garde ses chances

Publié le 11/10/2011
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Crédit photo : AFP

BARACK OBAMA a perdu les élections de mi-mandat au mois de novembre dernier. En conquérant la majorité à la chambre des représentants, l’opposition a eu les coudées franches pour altérer les projets gouvernementaux à la fois dans le domaine socio-économique et dans celui de la politique extérieure. Le Tea Party, qui a créé son propre « caucus », ou groupe, au Congrès, a réussi à influencer les grands décideurs, comme le « speaker of the house », ou président de la chambre, contraint par les plus irréductibles des siens à rejeter le projet de budget et un plan indispensable de réduction des dépenses fédérales pour diminuer la dette souveraine. Des tractations entre le législatif et l’exécutif, est sorti au mois d’août dernier un texte si tiède que l’agence Standard and Poor’s en a conclu que le système politique américain n’était plus en mesure de prendre les décisions utiles et a dégradé la note des États-Unis. Ce fut un échec majeur pour M. Obama, mais aussi pour l’ensemble de la classe politique, le Tea Party en particulier et le conservatisme en général apparaissant principalement comme des irresponsables.

L’autre épreuve.

Pour Barack Obama, l’épreuve n’était pas terminée. Sa politique moyen-orientale a sombré sous les coups conjugués d’un gouvernement israélien qui refuse de geler les implantations dans les territoires occupés et ceux de Mahmoud Abbas qui, exaspéré par l’immobilisme israélien, a décidé et maintenu sa demande de reconnaissance de l’État palestinien par l’ONU. M. Obama qui, comme la plupart des dirigeants du monde, est favorable à l’avènement de l’État palestinien, a néanmoins rejeté la requête de M. Abbas. Pour une raison simple : il existe au Congrès une forte majorité en faveur du statu quo. Au cours d’un séjour à Washington, le chef du gouvernement israélien a prononcé,devant les deux chambres réunies, un discours qui lui a valu plusieurs « standing ovations ». Après quoi, l’exécutif ne risquait pas de proposer au législatif une mesure en faveur de l’État palestinien.

LE TEA PARTY EST CONSUMÉ PAR UNE PASSION QUE LA MAJORITÉ REFUSE DE PARTAGER

On commentera comme on voudra la stratégie de M. Netanyahou, qui s’est servi du Congrès pour influencer la politique étrangère de M. Obama. Mais on n’en niera pas le résultat : au Conseil de sécurité de l’ONU, le délégué américain opposera son veto au projet d’État palestinien. Les conséquences, pour la stabilité du Proche-Orient risquent d’être négatives, mais un fait demeure : le président Obama a renoncé à faire pression sur Israël pour qu’il accepte de négocier avec l’Autorité palestinienne dans les conditions qu’elle souhaitait imposer.

M. Obama est donc sorti affaibli de ces diverses épreuves, il a perdu sa crédibilité dans le monde arabe, et aujourd’hui, l’Amérique n’est plus vraiment perçue comme une superpuissance. Les Européens eux-mêmes, notamment le président Sarkozy, doutent de sa capacité à contribuer à la résolution des problèmes internationaux avec la force décisive d’autrefois. La guerre civile de Libye a démontré que ce sont le Royaume-Uni et la France (certes avec l’aide moyens américains) qui, à la place des États-Unis, ont pris la tête du mouvement de soutien aux rebelles ; et ils ont respecté jusqu’au bout leurs engagements militaires, ce que Washington n’a pas su ou voulu faire.

Bachmann, P

Tout cela signifie-t-il que la carrière fulgurante de M. Obama se termine ? Il serait aventureux de proposer cette analyse. Le camp républicain compte des candidats potentiels dont la popularité est aussi élevée qu’éphémère. Il y a encore trois mois, Michelle Bachmann, représentante appartenant auTea Party, semblait s’imposer comme la prochaine candidate du parti républicain à la présidence. Elle a été éclipsée en août par l’apparition de Rick Perry, gouverneur du Texas. Voilà qu’aujourd’hui, Mitt Romney, ancien gouverneur du Massachusetts, distance ses concurrents, tandis que Sarah Palin, ancienne candidate républicaine à la vice-présidence en 2007, renonce à la course présidentielle. Pour le moment, il n’existe pas de candidat qui incarne le mouvement conservateur et seule la prudence commande de ne pas annoncer dès aujourd’hui le déclin du Tea Party, consumé par une passion que l’électorat majoritaire refuse de partager : les Américains reconnaissent qu’ils sont plongés dans une crise structurelle qui, pour la première fois depuis près de 70 ans, entraîne un chômage que la croissance est insuffisante à réduire. Leur désarroi est tel qu’ils doutent de leurs élus et d’un conservatisme qui, avec un sens métaphysique du calcul, propose de combler la dette en réduisant encore les impôts. Ce qui va jouer bientôt en faveur d’Obama, c’est le principe de Lincoln : « On ne peut pas tromper tout le monde tout le temps ».

RICHARD LISCIA

Source : Le Quotidien du Médecin: 9022