« Beaucoup plus transmissible » et « très probablement » moins sévère, le variant Omicron fait craindre une « désorganisation possible d’un certain nombre de services essentiels » au mois de janvier, a alerté le Pr Jean-François Delfraissy, président du Conseil scientifique, lors d’un point presse ce 23 décembre, décrivant une situation « très évolutive » avec un « haut niveau d’incertitudes ».
La vitesse de diffusion d’Omicron est « fulgurante », avec un temps de doublement des cas « de 2 à 3 jours » et un taux d’incidence « jamais connu » avec les variants précédents, rapporte l’épidémiologiste Arnaud Fontanet, membre du Conseil scientifique. Plus de 100 000 nouvelles contaminations quotidiennes sont attendues dès début janvier. Et alors qu’il est déjà majoritaire en Île-de-France, Omicron pourrait devenir dominant en métropole entre Noël et le Nouvel an, selon le ministre de la Santé, Olivier Véran.
Des règles d’isolement en question
Cette progression rapide vers des incidences à 6 chiffres pose la « question clé » des règles d’isolement en cas d’infection (jusqu'à 17 jours actuellement pour un cas contact), estime le Pr Olivier Guérin, chef du service gériatrie au CHU de Nice, également membre du Conseil. Selon lui, un absentéisme important lié à l’isolement et aux arrêts de travail peut entraîner des problèmes pour le bon fonctionnement de nombreux secteurs stratégiques, des énergies aux transports et à la distribution alimentaire, en passant évidemment par la santé. Le risque est ainsi de voir l’ensemble de la société fonctionner en « mode dégradé », ajoute Arnaud Fontanet.
Omicron fait notamment peser un « risque structurel de contaminations des soignants du fait de sa fulgurance », selon le Pr Guérin. Pour maintenir ses capacités hospitalières, le Royaume-Uni a revu ses règles d’éviction des soignants infectés. À Londres, les hôpitaux, confrontés à un absentéisme de l’ordre de « 15 % des soignants », selon le Pr Yazdan Yazdanpanah, membre du Conseil scientifique, ont modifié ces règles, les soignants infectés et asymptomatiques ne s’isolent plus.
La moindre sévérité se confirme
L’inconnue reste l’impact de cette propagation rapide sur le système de soins. Des données préliminaires issues de trois prépublications en provenance d’Afrique du Sud et du Royaume-Uni semblent confirmer la moindre virulence d’Omicron.
En Afrique du Sud, où Omicron a été détecté, une réduction de 80 % du risque d’hospitalisation par rapport à Delta est rapportée dans une prépublication. Une étude écossaise sur 15 patients évoque une baisse du risque de 68 % par rapport à Delta, tandis qu’une autre menée par l’Imperial College de Londres avance une réduction de la sévérité de 35 %. « Omicron est moins sévère, mais on ne sait pas encore exactement à quel point », résume le Pr Yazdanpanah, directeur de l’ANRS.
Selon lui, les remontées de « terrain » apportent également des « signes » d’une moindre sévérité, sans que l'on sache pour l'heure si elle est liée aux caractéristiques d'Omicron ou à l'immunité acquise par infection ou vaccination. Au Royaume-Uni, les sujets infectés sont « moins souvent hospitalisés », détaille-t-il avec prudence. Il y a moins de passages en soins critiques et « près de 50 % des patients hospitalisés avec un Covid n’ont pas besoin d’oxygène ». Les durées de séjour sont par ailleurs réduites : de 8 jours en moyenne avec Delta à 4 jours avec Omicron.
À Londres, épicentre de la vague britannique, les patients hospitalisés sont pour moitié des non vaccinés, et pour moitié des vaccinés à deux doses, poursuit-il. Et aucun patient hospitalisé avec trois doses n’a été enregistré. C’est un « résultat important, insiste l’infectiologue. C’est une arme à notre disposition », alors que certains traitements disponibles sont mis en échec par Omicron.
La combinaison d’anticorps monoclonaux Ronapreve se révèle ainsi inefficace face à Omicron, rappelle-t-il. Mais le traitement prophylactique Evusheld (AstraZeneca) reste « partiellement efficace », un point important pour éviter les formes graves chez les immunodéprimés. L’efficacité des traitements curatifs sotrovimab et Paxlovid est également maintenue face à Omicron. Ces produits seront disponibles en France mi-janvier au plus tôt pour le premier et en février pour le second, si les résultats sont confirmés.
Un impact tout de même attendu sur les hôpitaux
Malgré cette moindre sévérité et les traitements disponibles, le système de soins pourrait souffrir de l’afflux massif de sujets contaminés. Si les données manquent encore pour des projections pertinentes, les premières modélisations de l’Institut Pasteur sont « inquiétantes », selon le Pr Arnaud Fontanet.
Dans tous les scénarios explorés, un « niveau élevé d’occupation des lits d’hôpital » est observé à la mi-janvier, ajoute-t-il avec prudence tant les données alimentant les modèles restent partielles. D’après l’expérience britannique, il faut s’attendre à une hausse des hospitalisations « dans les semaines qui viennent », mais pas forcément en soins critiques, ajoute le Pr Guérin.
Face à cette perspective, l’ensemble des membres du Conseil scientifique insiste sur la nécessité de la primo-vaccination des 300 000 enfants à risque de formes graves et sur celle de la dose de rappel, alors que 5 à 6 millions de Français à risque de par leur âge et/ou leurs comorbidités n’ont pas reçu leur 3e dose, dont plus de 3 millions de plus de 65 ans, poursuit le Pr Guérin.
Trois doses de vaccin offrent pourtant un « schéma protecteur » contre les formes sévères, malgré « l’échappement immunitaire » observé avec Omicron, assure le virologue Bruno Lina, membre du Conseil. « Au décours de la 3e dose, les anticorps ont un niveau et un spectre d’action suffisants » pour éviter une forme sévère, complète-t-il, estimant qu’une nouvelle formule n’est pour l’instant pas nécessaire, malgré la persistance de l’incertitude sur la durée de l’efficacité du rappel.
En revanche, la dose de rappel n’empêche ni l’infection ni la transmission. L’application des mesures barrière reste primordiale. Omicron se caractérise notamment par une « potentielle transmission aérienne augmentée », explique Bruno Lina, ajoutant qu’il infecte probablement « un peu plus facilement les voies aériennes supérieures qu’inférieures », sans entraîner de différence de charge virale.
La réduction des contacts, l’hygiène des mains, l’aération et le port du masque sont ainsi essentiels pour freiner la circulation virale. « Mieux vaut un masque chirurgical bien porté qu’un FFP2 mal porté parce qu’inconfortable », souligne le Dr Pierre-Louis Druais, généraliste et également membre du Conseil, qui observe « trop souvent » des gens « tripoter leur masque », en même temps que baisse la consommation de gel hydroalcoolique.
Malgré ce tableau épidémique, l’expérience sud-africaine peut laisser entrevoir une lueur d’espoir. Dans le pays qui a connu une explosion des cas début décembre, « le pic de la vague Omicron semble déjà atteint », le pays connaissant actuellement un reflux de l’épidémie, observe Arnaud Fontanet, jugeant tout de même « surprenante » cette évolution.
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