Elles ont 35 ans, en moyenne. En grande majorité francophones, elles ne sont pas de nationalité européenne, se trouvent en situation irrégulière, sans domicile fixe, sans activité professionnelle et sans ressources. Ces femmes qui vivent en Île-de-France souffrent d’une situation d’exclusion.
Pour mieux connaître leur état de santé, l’association ADSF-Agir pour la santé des femmes* a mené une enquête auprès de celles qu’elle accompagne au quotidien. Un travail obtenu à partir d’évaluations ou d’entretiens réalisés par ses équipes médicales, psychologiques et sociales. Au total, 1 001 personnes ont été incluses dans l’étude. Autant de femmes qui ont été rencontrées lors de maraudes − gares, métro, bois de Vincennes, hôtels sociaux, rues, centres d’accueils, CHU… − ou accueillies par l’association.
Une population invisible
Parmi elles, deux sur trois ont des droits ouverts, mais seule une sur trois a accès à la protection universelle maladie (Puma) ou au régime général de l’Assurance-maladie. Quelque 42 % vivent seules. Et cela, même si elles ont eu (ou ont encore) des enfants à charge. Près de 70 % sont sans domicile fixe, hébergées ou mises à l’abri via le 115 ou par un tiers. « Le fait que les femmes en situation de grande précarité soient hébergées par un tiers les rend invisibles. Or, elles peuvent être victimes de violences verbales, physiques et sexuelles. Les hommes, quant à eux, sont plus facilement identifiables car ils vivent davantage dans la rue ou dans des campements, par exemple », indique Nadège Passereau, déléguée générale de l’ADSF. Et 88 % des femmes rencontrées déclarent avoir vécu des violences. « Certaines femmes ne nous en parleront jamais », ajoute Nadège Passereau. La honte ou la peur de faire remonter un ancien traumatisme explique souvent leur mutisme. Autre sujet tabou : l’addiction. Près d’une femme sur deux avoue être dépendante à l’alcool et près d’un tiers à la drogue (majoritairement, le crack).
Des pathologies précoces et fréquentes
Deux tiers des femmes interrogées présentent des problèmes de santé. « Cela survient de façon bien plus précoce chez les personnes en situation de précarité que chez l’ensemble de la population. Par ailleurs, l’hypertension artérielle, l’asthme et le diabète notamment sont bien plus fréquents chez ces femmes vulnérables », souligne le Dr Dominique Fauvel, médecin bénévole dans l’association. Deux tiers de ces femmes présentent des troubles du cycle menstruel, souvent liés à des fibromes qui surviennent précocement, en moyenne à l’âge de 35 ans contre 43 ans dans la population générale.
Par ailleurs, 20 % des femmes sondées sont enceintes, et sans le désirer pour un quart d’entre elles. « La précarité dans laquelle elles vivent explique souvent le refus de leur grossesse », note le Dr Fauvel. Plus d’un tiers a subi une IVG au moins une fois et 70 % n’ont pas de moyens de contraception, faute de moyens. Et quand elles en utilisent une, il s’agit souvent du préservatif, seules 4,7 % prennent la pilule. La grande majorité (80 %) n’a pas de suivi gynécologique.
Un accompagnement nécessaire
Par ailleurs, plus de 40 % de ces femmes présentent une souffrance psychique (stress post-traumatique, troubles du sommeil, anxiété, dépression, troubles du comportement…). « Après avoir établi un bilan de leur état de santé, nous prenons le temps d’échanger avec ces femmes, afin qu’elles puissent poser leur histoire en toute confidentialité, rapporte Nadège Passereau. La complexité du système de santé couplée aux barrières linguistiques explique souvent leur refus ou leur renoncement aux soins. Beaucoup ont été mal orientées. Notre association accompagne la moitié des femmes rencontrées dans leurs prises de rendez-vous et dans les échanges avec le médecin. Notre système de santé reste inadapté à ces populations ».
*L’ADSF organise en Île-de-France et à Lille des maraudes sur le lieu de vie des femmes éloignées du système de santé. Les équipes mobiles distribuent des kits d’hygiène ou des vêtements et organisent le dépistage des cancers féminins, des IST et/ou du Covid-19.
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