Violence scolaire

Pour une école « amie des enfants »

Publié le 31/03/2011
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Crédit photo : S. TOUBON/LE QUOTIDIEN

« IL NE FAUT ni être dans l’exagération, ni dans la dénégation », prévient Éric Debarbieux, directeur de l’Observatoire international de la violence à l’école, coordinateur de l’enquête avec Georges Fotinos, ancien inspecteur général de l’Éducation nationale. D’ailleurs, poursuit-il, l’étude s’appelle « À l’école des enfants heureux… ou presque ». De par son ampleur – elle a été menée en 2009-2010, auprès de 12 326 élèves de CE2, CM1 et CM2, issus de 157 écoles de 8 académies –, cette enquête de victimation constitue une première en France. « C’est la première fois que la violence scolaire est explorée à cette échelle dans le primaire, à partir du ressenti des enfants », insiste Jacques Hintzy, qui se félicite d’être, en tant que président d’Unicef-France, à l’origine de ce débat.

Des microviolences répétées

Parmi les points positifs, 9 élèves sur 10 affirment se sentir bien à l’école. « L’école ne va pas si mal que ça », commente Éric Debarbieux, qui tient à « rendre justice aux enseignants ». Car près de 89 % des enfants estiment avoir de bonnes ou très bonnes relations avec les enseignants (même si un peu plus de 13 % des répondants se plaignent d’avoir été rejetés par un enseignant). Mais derrière ce plébiscite, le quotidien semble beaucoup plus difficile pour une minorité d’élève assez importante. Environ 11 à 12 % des élèves sont victimes « de microviolences répétées », physiques et verbales, précise le spécialiste, qui préfère éviter le mot « harcèlement ». Il ne faut pas céder à « l’affolement », conjure-t-il. « Ce ne sont pas des faits-divers : les violences les plus dures sont assez rares dans les écoles. » Toutefois, ces « petites violences qui se cumulent sur les mêmes têtes » ont des conséquences en termes de santé mentale : décrochage scolaire, absentéisme, perte d’image de soi, tendances dépressives et suicidaires de long terme. « Il s’agit d’un vrai problème de santé publique. » Moqueries, menaces, coups, bousculades, voyeurisme dans les toilettes, vol du goûter : « Ce qui me surprend, ce ne sont pas tant les chiffres qui se retrouvent dans les normes internationales mais la massivité du phénomène. Toutes les formes de violence tombent sur les mêmes élèves », poursuit Éric Debarbieux, qui évoque « un problème très genré ». Entre 60 et 80 % des agresseurs sont des garçons, y compris lorsqu’il s’agit de médisances ou de rumeurs. Autre enseignement de l’étude : il n’y a pas plus de harcèlement dans les écoles des banlieues défavorisées que dans les autres établissements. Par ailleurs, si la grande majorité des violences se font entre pairs, Georges Fotinos évoque également la victimation par les adultes, et en particulier par les personnels de surveillance de la cantine (42 % des élèves ont d’ailleurs une image négative de la cantine).

Des propositions dans quinze jours

Problème internationalement partagé, le harcèlement à l’école n’est toutefois pas une fatalité. Certains pays, comme ceux du nord de l’Europe et la Grande-Bretagne, ont mis en place « des programmes efficaces qui ont fait baisser de plus de moitié ce taux », fait savoir Éric Debarbieux. Dans les pays scandinaves, les enseignants font un travail de sensibilisation en impliquant tous les élèves. En Grande-Bretagne, le problème, appelé « school bullying », a été pris en charge depuis la fin des années 1980 avec l’intervention des instances publiques mais aussi l’implication des élèves, des parents et des enseignants.

La lutte contre le harcèlement est « horriblement longue », souligne Éric Debarbieux, qui parle d’un « cercle vertueux » entre tous les acteurs concernés, et en premier lieu l’Éducation nationale. Plus que des recettes miracles, il faut une prévention précoce, plaide-t-il, pour établir « une manière d’être ensemble à l’école, en privilégiant les valeurs de respect et de coopération ». Ce que Jacques Hintzy décrit comme « le concept d’une école amie des enfants », dès la maternelle.

Les propositions que doit remettre Éric Debarbieux (dans le cadre des états généraux sur la sécurité à l’école) à Luc Chatel dans une quinzaine de jours devraient aller dans ce sens. Le ministre de l’Éducation vient également de mettre en place leConseil scientifique contre les discriminations à l’école, en particulier chargé de la lutte contre le harcèlement scolaire. « Le but, c’est que nous ayons une vraie réflexion sur ce sujet, parce que c’est un sujet tabou, on n’avait pas le droit d’en parler », indique le ministre. Il sera présidé par François Heran, un démographe, ancien directeur de l’Institut national des études démographiques.

STÉPHANIE HASENDAHL

Source : Le Quotidien du Médecin: 8935