Parallèlement à l’annonce de la suspension de Diane 35 (cyproterone/ethynyl-estradiol) et ses génériques, l’Agence nationale de sécurité des médicaments (ANSM) a mis en ligne mercredi sur son site Internet les données de réévaluation du bénéfice / risque de ces produits. Indiqué dans le traitement de l’acné « légère à modérée » chez la femme, le Diane 35 n’a qu’une efficacité clinique « modérée » observable après « plusieurs mois de traitement », souligne l’agence citant le résumé des caractéristiques du produit (RCP) inclus dans son AMM.
« Il s’agit donc d’un traitement d’entretien de l’acné non recommandé comme traitement de première intention » (généralement un médicament anti-acnéique par voie locale de type adapalène), ajoute l’agence. Au regard d’une revue de la littérature réalisée en 2012 par la Cochrane collaboration, l’ANSM constate que « l’efficacité de Diane 35 dans le traitement de l’acné est comparable à celui des contraceptifs oraux combinés contenant un autre progestatif » (lévonorgestrel, dienogest, norgestimate, désogestrel).
Peu de données sur l’effet contraceptif
S’agissant de l’effet contraceptif de Diane 35 à l’origine des 60 % de prescription hors AMM, l’ANSM insiste sur le fait qu’il n’a pas été « démontré au regard des critères requis ». L’agence évoque les résultats d’une étude observationnelle fournie en 1999 par le laboratoire Bayer dans le cadre d’une demande de modification de l’AMM de Diane 35 (qui ne sera génériqué en France qu’à partir de 2003). Pour tenter d’élargir l’AMM au « traitement de l’acné chez la femme désirant ou acceptant une contraception », Bayer s’était appuyé sur une étude menée dans 6 pays (France, Allemagne, Pays-Bas, Autriche, Italie, Hongrie) entre 1984 et 1988 auprès de 1 161 femmes.
« À partir de cette publication, l’indice de Pearl non corrigé et recalculé par le laboratoire selon les critères européens en vigueur actuellement, serait de 0,12 avec une limite supérieure de l’intervalle de confiance à 95 % à 0,44 », résume l’ANSM. À cette époque, l’agence du médicament avait émis un avis défavorable à la demande de modification de l’AMM, « considérant l’absence de démonstration d’une efficacité clinique au vu de cette étude ». Et à ce jour, « les données disponibles sur l’efficacité contraceptive ne permettent donc pas de valider l’efficacité contraceptive de Diane 35 », insiste l’ANSM.
Risque multiplié par quatre
Pour l’agence du médicament, le rapport bénéfice/risque de Diane 35 et ses génériques s’avère « défavorable » dans tous les cas y compris le traitement de l’acné « eu égard notamment au risque thromboembolique veineux et artériel auxquels ils exposent les femmes traitées ».
L’ANSM s’appuie en particulier sur des données observationnelles portant sur une cohorte danoise suivie de 1995 à 2009 (1,2 million de femmes suivies durant 8 ans) qui montrent que chez les femmes recevant Diane 35, le risque d’événement thromboembolique veineux (ETV) est multiplié par quatre par rapport aux femmes ne prenant ni de Diane 35, ni de contraception orale (où le risque d’ETV est évalué à 3,7 cas pour 10 000 femmes suivies pendant 1 an).
113 ETV dont 4 décès
En outre, sur les 113 cas d’ETV enregistrés au 10 janvier 2013 en France dans la Base nationale de pharmacovigilance (BNPV) pour Diane 35 et ses génériques depuis 1987, « la spécialité Diane 35 était impliquée dans 89 cas », les 24 autres concernant des génériques (Holguyeme, Lumalia, Minerva, Cyprotérone acétate/ethinylestradiol générique). Dans ces 113 ETV, les indications du traitement ne sont rapportées que dans 40 cas et font apparaître « une utilisation majoritaire pour contraception (22 cas) et pour l’acné (14 cas) ».
Au moment de la survenue de l’effet, l’âge médian des femmes au moment de la survenue de l’effet est de 24 ans (femmes étant âgées de 18 ans ou moins et 6 femmes de 40 ans et plus). Sur les quatre cas de décès par ETV, directement imputables à Diane 35 où l’un de ses génériques, l’ANSM évoque trois décès par embolie pulmonaire (une femme de 18 ans, une femme de 24 ans et une femme de 26 ans) ainsi qu’un décès par thrombose cérébrale (une femme de 42 ans).
Des alternatives thérapeutiques
Après la suspension de Diane 35 et ses génériques, l’ANSM rappelle qu’il existe « plusieurs alternatives thérapeutiques » permettant aux prescripteurs une prise en charge adaptée des patientes souffrant d’acné. Parmi les traitements disponibles par voie générale pour les femmes acnéiques souhaitant ou nécessitant une contraception hormonale, « la seule association contraceptive ayant en France l’AMM "contraception de la femme acnéique" est l’association triphasique éthinyl-estradiol (35 µg) et norgestimate (180-215-250 mg) », souligne l’agence.
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