Le procès des prothèses PIP s’est ouvert ce mercredi dans un tribunal réaménagé dans un hall du parc des expositions de Marseille. Les victimes venues en nombre réclament justice : « Il faut qu’il soit condamné à la hauteur de ce qu’il a fait. »
Quand à 11 h 23, Claude Vieillard, la présidente du tribunal correctionnel de Marseille ouvre le procès des implants PIP, après le rejet par la cour de cassation de la demande de dépaysement réclamée par la défense, un ouf de soulagement a parcouru les rangs du tribunal de Marseille. Les plaignantes et victimes des prothèses PIP frauduleuses ont pris place en nombre - plus de 300 personnes - dans ce tribunal délocalisé pour cause de gigantisme, dans le hall 8 du parc Chanot, là où se tiennent habituellement foires et expositions.
Des rangées de pupitres ont été installées devant une estrade où doivent se tenir les juges et trois salles annexes ont été équipées d’écrans géants pour faire face à l’afflux de parties civiles, avocats, journalistes, soutiens divers et curieux désireux de suivre ce procès hors normes. Ce transfert a coûté 800 000 euros et nécessité une organisation sans failles avec plus de 110 000 pièces du dossier transportées en fourgonnette et un important dispositif de sécurité.
Plus de 5 200 porteuses d’implants PIP - sur les 30 000 estimées par l’Agence française du médicament (ANSM) - ont déposé plainte dans ce dossier ouvert pour « tromperie aggravée », contre 5 dirigeants de l’entreprise Poly Implants Prothèses (PIP), dont son créateur Jean-Claude Mas. Parmi elles, deux cents sont étrangères, la plupart originaires d’Amérique du sud. Peu sont présentes à Marseille parmi elles, mais plusieurs centaines de victimes françaises ont fait le déplacement pour dire toute leur colère et réclamer « le droit de savoir. »
« Punir le charcutier »
Veranne, par exemple, originaire de la région nantaise, s’est installée dans un hôtel proche du Parc des expositions, pour pouvoir suivre le procès dans son intégralité. Un mois pour obtenir justice. « Je voudrais que Jean-Claude Mas soit reconnu coupable par empoisonnement, pas juste pour dire qu’il voulait faire de l’argent. » Opérée en 2003, elle a déclaré en 2010, un cancer qui a nécessité l’ablation totale du sein droit. « La prothèse était fissurée et le gel s’était répandu », témoigne-t-elle.
Danièle, elle, a pris deux jours de congé pour venir assister au début du procès, accompagnée de son mari. « J’en attends une cicatrisation, reprenant à dessein un terme médical et une punition pour le charcutier, il n’y a pas d’autre mot et tous les coupables. Nous sommes moins écoutées parce que l’on nous reproche en quelque sorte ce choix esthétique mais nous n’avons pas demandé cela. » Opérée en 2006, cette jeune femme a dû attendre plusieurs années avant d’être réimplantée car raconte-t-elle, « plus personne ne voulait m’opérer là où je vis. J’ai dû aller à Bordeaux. Il a fallu s’investir financièrement et familialement. Heureusement l’association [Porteuses de Prothèses PIP] nous a soutenues et c’est aussi pour toutes les autres que je viens. »
Cette souffrance et cette soif de reconnaissance sont palpables dès l’ouverture du procès. Comment oublier l’attitude méprisante de Jean-Claude Mas dès sa première interpellation, envers ses victimes ? D’ailleurs dès qu’il est appelé à la barre et invité à décliner ses revenus qu’il présente aujourd’hui comme une modeste retraite, il est largement hué.
« Connard », crie l’une d’entre elles. À plusieurs reprises, ces femmes dodelinent de la tête ou peinent à étouffer une protestation. La présidente lance quelques rappels à l’ordre. Les avocats de deux prévenus (Claude Couty et Hannelore Font) transmettent une question prioritaire de constitutionnalité, estimant que la procédure ne garantit pas les droits de la défense. L’examen de ces procédures va occuper encore les deux premiers jours. L’ensemble du procès doit durer un mois.
Dans son dernier bilan publié à la veille de l’ouverture du procès, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ( ANSM ) estime à 30 000 les femmes porteuses de PIP en France, leur commercialisation ayant été suspendue en mars 2010. « Les données recueillies par l’ANSM indiquent que 14 990 femmes (porteuses de 25 644 implants) ont subi une explantation de leurs prothèses PIP, entre 2001 et fin décembre 2012 » , précise le rapport. Parmi les femmes qui ont subi une explantation , 4 061 l’ont été sur signe d’appel, 10 900 à titre préventif (dans 21 % des cas l’opération a donné lieu à la découverte d’un dysfonctionnement de la prothèse).
Sur les 6 644 implants défectueux (5 048 femmes), 7 042 dysfonctionnements ont été constatés : ruptures (59 %), perspirations (25 %). Le taux d’implants défaillants est à ce jour de 25,9 %.
Un total de 64 cas d’adénocarcinomes mammaires a été signalé fin 2012 chez les femmes porteuses de PIP mais, rappelle l’agence « les tumeurs déclarées ne sont pas reliées aux caractéristiques des prothèses PIP » .Aucun nouveau cas de lymphome anaplasique à grandes cellules n’a été repéré parmi les porteuses après celui déclaré en novembre 2011 qui avait suscité l’alerte aux prothèses PIP . « L’ensemble des analyses réalisées par la France, le Royaume-Uni et l’Australie conduisent aux mêmes conclusions, à savoir qu’il n’a pas été mis en évidence de risque significatif pour la santé humaine » et « il n’a pas été montré de cytotoxicité ni de génotoxicité de ces implants » , souligne l’agence.
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