L’OBJECTIF de l’étude qualitative était de mesurer « le vécu et le comportement des médecins généralistes vis-à-vis de leur pratique pendant la période du ramadan », sachant que la pratique du jeûne, qui s’étend sur 29 ou 30 jours, peut avoir un impact médical. Durant le jeûne, du lever au coucher du soleil, l’apport alimentaire et hydrique est interdit tout comme le sont les prises médicamenteuses orales. Cette modification du rythme de vie peut notamment présenter des risques de complication pour le pratiquant porteur de maladie chronique, jeûnant malgré les exemptions du Coran.
La première étape a consisté à joindre par téléphone 26 médecins généralistes « des quartiers cibles ». Quatorze d’entre eux (la moitié de femmes et d’hommes) ont accepté d’être vus en entretien semi-dirigé entre avril et juin 2010.Parmi les médecins rencontrés, aucun n’était de confession musulmane. Mais la moitié connaissait le mois du ramadan au moment de l’entretien. La question du culte musulman est rarement posée mais est déduite « devant des signes ostentatoires, certaines pratiques, et devant l’origine géographique des patients ». Selon le code de déontologie médicale, la religion doit rester « à la porte du cabinet médical ». Le médecin « n’a donc pas à poser la question de la religion même, mais plutôt de connaître les pratiques, les croyances du patient qui auraient un impact dans la relation de soin et permettraient de mieux l’accompagner », notent les auteurs, réunis autour du Pr Serge Fanello (CHU d’Angers)*. « Dans notre étude, la majorité des médecins interrogés sont d’ailleurs demandeurs de connaissances cultuelles sur leurs patients musulmans et le ramadan ». Les autres ont acquis ce bagage culturel au contact des populations. L’insuffisance de formation des médecins à l’ethnographie est d’autant plus regrettable que ces connaissances constituent un outil pour faciliter la communication avec les patients, « permettant d’obtenir leur confiance et une adhésion au soin ». Si les patients parlent « assez librement » de leur pratique, certains préfèrent toutefois la taire « de peur de se voir interdire le jeûne ».
Les trois-quarts des médecins interrogés disent ne pas avoir rencontré de difficultés pendant le ramadan. Pour le reste, les difficultés évoquées étaient d’ordre relationnel ou liées à l’examen clinique et les prescriptions de biologie non réalisables au cours du ramadan. Parmi les manifestations cliniques repérées pendant cette période, le symptôme majoritaire était l’asthénie.
Adaptation thérapeutique.
Spontanément, la quasi-totalité des praticiens ont abordé la question du diabète pendant le ramadan. Certains ont simplement pensé « que le patient pouvait gérer seul » etd’autres ont avancé l’exonération faite par le Coran. De manière générale, tous avaient pourtant connaissance d’une possibilité d’adaptation thérapeutique. Un médecin sur cinq a donné des conseils, sur une meilleure répartition alimentaire par exemple, « alors que des guide-lines d’aide à la prise en charge du patient » existent.
Seul un petit nombre de professionnels a évoqué la référence à l’imam (ou au mufti) comme recours possible pendant le ramadan. Pourtant, cette stratégie de travail est déjà expérimentée dans plusieurs structures hospitalières en France « sous la forme de séances d’éducation diabétique, dont certaines préparent au ramadan », indiquent les auteurs de l’étude. « Le médecin généraliste doit pouvoir user de ce recours en cas de situation médicale complexe, le but n’étant pas de renvoyer la décision au représentant religieux mais bien d’ouvrir la discussion avec le patient », poursuivent-ils.
Le problème de la langue a été également soulevé par plus de la moitié des praticiens. La barrière linguistique impose souvent un interprète qui, en médecine générale, est un proche ou un membre de la famille. Cet interprète, disponible rapidement et ayant l’avantage d’une mise en confiance du patient, peut toutefois poser des problèmes d’intimité. Quelques pays européens expérimentent l’interprétariat professionnel dans des maisons de santé. En France, il n’existe qu’au stade lacunaire en système libéral et fait l’objet d’une expérimentation en Alsace via l’association Migration Santé Alsace, « qui met à la disposition des médecins libéraux des interprètes compétents ».
* C. Edin,P. Marais, P. Moulevrier, J.F. Huez.
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation