Le magazine américain Time a désigné « Personnalité de l’année » les médecins et infirmiers qui luttent contre l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest. « Le Quotidien » est allé à la rencontre de ces soignants à l’occasion de la formation Ebola qui se déroule dans le Perche, avec un centre de traitement grandeur réelle, unique en Europe.
« Quiconque souhaite s’occuper des victimes d’Ebola court le risque d’en devenir une, car l’épidémie a frappé les docteurs et les infirmiers à un niveau sans précédent, décimant une infrastructure de santé publique qui était déjà fragile », note Time, qui salue « d’infatigables actes de courage et de compassion, accomplis pour donner le temps au monde de renforcer ses défenses ». Pour le newsmagazine, « Ebola est une guerre ».
Un centre grandeur nature
À Nogent-le-Rotrou, où la Sécurité civile a aménagé sous un hangar de 3 000 m2, un CTE (centre de traitement Ebola) à l’échelle 1, pour préparer les futurs volontaires envoyés en Guinée forestière par l’EPRUS, le SSA (Service de santé des armées), mais aussi MSF, et diverses missions internationales, les stagiaires accueillent les lauriers décernés par les médias avec distance. Et humour. « Arrêtons l’emballement journalistique, nous ne sommes pas les perdreaux de l’année, nous ne partons pas la fleur au fusil, lance à la cantonade le Dr Olivier Morla, anesthésiste réanimateur au CH de Redon, d’autant moins que nous ne nous sommes pas encore envolés pour l’Afrique. Franchement, on aiderait un peu plus ce continent en supprimant les dettes dont les pays riches l’accablent, il serait à même de diligenter ses propres moyens médicaux pour se battre contre le virus. Alors, il faut se calmer, ce que nous faisons ne mérite pas tant de gloriole, pas plus que le travail d’un médecin en EPHAD qui se démène pour ses petits vieux sans que ça n’intéresse personne. »
« Tous les métiers comportent leurs risques, confirme Jean-Dominique Durbin, infirmier à Briançon ; cela dit, quand les télés lancent un sujet sur Ebola, je baisse le son, je change de chaîne et je parle d’autre chose, car à la maison mes enfants ne sont pas joyeux de me voir décoller pour l’Afrique. » Si le Dr Jean North, chirurgien orthopédique de Colmar, depuis peu à la retraite, se félicite que, dans sa famille, « tout le monde (lui) ait donné sa bénédiction pour cette mission », le Dr Alain Pauper, autre chirurgien retraité, spécialisé en viscéral, venu de Haute-Savoie, bien qu’ayant effectué de nombreuses missions africaines depuis son clinicat (SSA, CRF, MSF) n’a toujours pas osé annoncer la nouvelle de son prochain départ à son entourage. « Ils savent juste que je suis une formation », avoue-t-il.
Un imaginaire qui fait peur
« C’est vrai que l’imaginaire autour d’Ebola fait peur, constate Joseph Triscari, autre volontaire, psychologue libéral à Bergerac qui a fermé son cabinet une semaine pour le temps de sa formation. Cette épidémie nous renvoie à des histoires personnelles compliquées en relation avec la mort et la séparation d’avec nos familles. Il faut essayer de gérer et, au retour, de débriefer cet incompréhensible. »
« Face aux risques objectifs, il faut avoir envie d’être utile, de rendre des services, de représenter son pays, confie le Dr Alain André, anesthésiste de Toulouse. Il ne s’agit pas du tout de jouer les héros, ce qui serait un grand mot, mais de s’engager dans une aventure et d’y puiser un plaisir. » « Raison de plus pour monter au front, si l’on ose dire, et s’engager contre un danger réel, note Alain Dupré-Ségot, manipulateur-radio. Nous assumons, chacun à notre niveau individuel, une forme de solidarité mondiale, un humanisme à l’échelle de la planète. »
Les volontaires en formation dans le Perche ont mûrement réfléchi avant de s’engager ; la plupart présentent des états de service humanitaires longs comme leur carrière. Outre leurs contraintes familiales, ils doivent faire face à leurs nécessités professionnelles. Les libéraux se financent à fonds perdus, les hospitaliers négocient leurs absences avec leurs administrations. Une gageure parfois, quand l’EPRUS leur demande des engagements sur sept semaines, ramenés à quatre pour les PH qui ne sauraient décrocher sur une si longue période.
Épidémie hors de contrôle
En face, il y a toujours ce virus. Le Pr Christophe Rapp, chef des maladies infectieuses au Val-de-Grâce, est venu à Nogent faire le dernier point scientifique. « Pour le moment, comme le note le Dr André, quelles que soient les procédures, l’épidémie reste hors contrôle ». Alors, leur arrive-t-il d’éprouver un sentiment de peur, ces médecins « personnalité de l’année 2014 » ? « Je ne redoute pas tant le péril viral, confie l’un d’eux, que les réactions de rejet et de panique qu’il peut susciter parmi la population. »
« Quand tu rentreras de Guinée, n’oublie pas de sortir avec ta clochette », a-t-on lancé ainsi au Dr André. « On n’est pas très loin de la peste au Moyen-Âge, de la grippe espagnole en 1918, ou du sidatorium, qui était évoqué quand nous étions étudiants », commente le praticien. Un autre se rappelle les traînées de panique, quand il était étudiant, autour des patients VIH.
C’est cette inquiétude-là qui taraude surtout les stagiaires de Nogent-le-Rotrou. Quant à ceux, qui vont partir pour la plupart en janvier prochain, quelle peur éprouvent-ils pour eux-mêmes ? « On est peut-être inconscient, mais non, on n’éprouve pas spécialement un sentiment de peur », répond le Dr Morla. Puis, après une hésitation, l’anesthésiste breton murmure : « Il y a une question qui me titille quand même, c’est la transmission du virus par les moustiques. Apparemment, j’ai posé la question à un confrère de MSF, on ne dispose pas aujourd’hui de données à ce sujet, faute de volontaires. » Un silence passe. « Bon, on est censé être protégé par l’EPI (l’équipement de protection individuelle). On n’aura qu’à le garder la nuit. » À l’entour, les sourires se crispent un peu.
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