À l'occasion de la semaine européenne de la vaccination, qui se tient en France du 17 au 21 mai, professionnels de santé et associations de patients ont souligné l’importance du suivi vaccinal, lors d’une table ronde organisée pour la première édition des LJTalk.
Si la campagne de vaccination contre le Covid-19 est aujourd’hui au cœur des préoccupations, l’importance des vaccins du quotidien, qui subissent un désengagement préoccupant, ne doit pas être oubliée. Et ce afin de prévenir la résurgence éventuelle d’autres épidémies en cas de relâchement des gestes barrières.
Un recul aggravé par l’épidémie de Covid -19
Une diminution du suivi vaccinal impactant toutes les tranches d’âges est observée depuis le début de la pandémie : à la fin mars 2020, a été constatée une baisse de 23 % du vaccin penta/hexavalent chez les nourrissons, de 50 % pour le vaccin ROR, et jusqu’à 64 et 67 % respectivement pour les vaccins antitétaniques et anti-HPV (1).
Le rattrapage réalisé a permis un retour quasi à la normale des vaccinations obligatoires des nourrissons, mais un déficit sur les autres demeure, notamment parmi les populations les plus vulnérables : immunodéprimés, transplantés, malades respiratoires chroniques et patients de plus de 65 ans. En novembre 2020 (2), on note une baisse de 15 % des doses administrées au-delà de l’âge de 2 ans pour les vaccins contre des pathogènes manu- ou aéroportés, dont rougeole, diphtérie et coqueluche. Ce recul de la vaccination « de routine » inquiète d’autant plus qu'il s’ajoute à une couverture vaccinale préalable non optimale (moins de 35 % des adultes sont à jour de leur vaccination diphtérie-tétanos-polio + coqueluche) ainsi qu’à une faible prise de conscience de l’importance du suivi vaccinal chez les populations les plus fragiles. « Il y a un risque de résurgence de certaines maladies, il faut rattraper les vaccinations en retard ! », souligne le Pr Jean-Louis Koeck, responsable de la plateforme Mesvaccins.net.
Des patients à risque sans couverture vaccinale optimale
Le Dr Pascal Mélin, président de SOS Hépatites & Maladies du foie, regrette la vaccination insuffisante chez les patients cirrhotiques : « Seuls 50 % des patients sont correctement protégés ! ». Il évoque aussi « un énorme gâchis » concernant la vaccination contre l’hépatite B et demande à renforcer le rattrapage vaccinal de la génération oubliée du VHB, avant la vaccination obligatoire des nourrissons instaurée depuis 2018.
Même constat pour la Pr Chantal Raherison-Semjen, présidente de la Société de pneumologie de langue française, face aux malades respiratoires : « Les patients BPCO ne sont vaccinés contre la grippe que pour 53 % des cas, et 45 % contre le pneumocoque ; pour les asthmatiques, seuls 24 % sont vaccinés contre le pneumocoque ». Clotilde Genon de l’association Renaloo déplore aussi une sous-vaccination similaire avec les résultats de l’enquête d’AVNIR (Associations VacciNation Immunodéprimées Réalités) (3) : les patients n’étaient vaccinés contre le pneumocoque et la grippe respectivement que dans 41 % et 63 % des cas.
Ce déclin touche également les populations précaires. « Leur préoccupation est de vivre au jour le jour, la santé passe au second plan… Et ces patients se retrouvent dans l’angle mort des dispositifs de soins », souligne Samir Baroualia, directeur de « Dessine-moi un mouton », cette association créée dans les années sida en 1990 pour accompagner les enfants et leurs parents touchés par le VIH et depuis élargie à d'autres maladies chroniques.
Quelles solutions pour la mise à jour vaccinale ?
Pour la Pr Raherison-Semjen, il faut uniformiser les discours des professionnels de santé et « sensibiliser le public à une éducation à la santé », tout en déconstruisant les idées fausses au sujet de la vaccination. Il faut multiplier les sources d’information, « via des campagnes vaccinales ou grâce aux associations de patients ».
Mobiliser la communauté médicale pour mieux informer mais aussi « rendre les patients acteurs de leur vaccination » afin d’améliorer leur adhésion, note le Dr Mélin. Le Pr Koeck, évoque en ce sens le carnet de santé électronique, intégré sur la plateforme Mesvaccins.net : il permettrait à chacun d’accéder à son historique vaccinal, de recevoir des recommandations vaccinales personnalisées et de faire le lien entre les différents professionnels de santé. Mme Genon insiste aussi sur la « nécessité de coordonner et faciliter les parcours de vaccination : qui informe ? Qui vaccine ? ». Elle salue en exemple l’efficacité du bon de vaccination antigrippale envoyé par la sécurité sociale et qui pourrait être généralisé.
Le Dr Mélin conclut en évoquant d’autres pistes comme « la mise en place de consultations de prévention annuelle par le médecin traitant » ou de « bilans de vaccination à l’annonce d’une maladie chronique ».
(1, 2) EPI-PHARE – Rapport « usage des médicaments en ville en France durant l’épidémie de Covid-19 »
(3) Enquête sur la vaccination des personnes atteintes de maladie chronique à haut risque (immunodéprimées) et à risque d’infection - Ipsos/Pfizer/associations membres du groupe AVNIR (Associations VacciNation Immunodéprimées Réalités), 2020
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