Une équipe INSERM/Sorbonne Université/Institut Pierre Louis d’Épidémiologie et de Santé publique pointe les lacunes du système de surveillance de l'infection Covid mis en place au cours des sept semaines qui ont suivi la fin du premier confinement en France. Dans une étude de modélisation parue dans « Nature », les chercheurs se sont attelés à évaluer la performance de la stratégie en vigueur entre le 11 mai et le 28 juin (soit entre les semaines 20 et 26).
« Après une période initiale où les capacités de dépistage limitées se concentraient principalement sur les patients gravement malades, une nouvelle politique de dépistage a été mise en place en France pour dépister systématiquement les infections potentielles Covid-19 et permettre la levée des restrictions de confinement le 11 mai », rappellent les auteurs. Néanmoins, le grand nombre de cas asymptomatiques et de formes légères passant quasiment inaperçues a mis à mal cette stratégie, et donc le contrôle de l'épidémie.
Seul un tiers des cas suspects a consulté un médecin
Dès le 13 mai, la base nationale SIDEP (Système d’Information de DÉpistage Populationnel) a été mise en œuvre pour recenser les résultats des tests RT-PCR (et plus récemment ceux des tests antigéniques). Dans le même temps, toutes les personnes présentant des symptômes évocateurs de Covid étaient invitées à consulter leur médecin dans le cadre de la nouvelle stratégie axée sur le triptyque « tester, tracer, isoler ».
En France métropolitaine, 20 777 cas confirmés ont été rapportés entre le 13 mai et le 28 juin, parmi lesquels on compte 16 165 patients symptomatiques, estiment les auteurs. À noter que le délai moyen entre l’apparition des symptômes et la réalisation du test a diminué au fil du temps, passant de 12,5 jours au cours de la semaine 20 à 2,8 jours au cours de la semaine 26.
La plateforme de surveillance CovidNet.fr - prolongement du site GrippeNet.fr dédié à la grippe - a également été mise en place. Participative, elle permet à un échantillon de volontaires d'autodéclarer leurs symptômes. Parmi les 524 cas suspects identifiés sur la période étudiée, seuls 31 % ont consulté un médecin, et parmi ceux-là, 55 % sont repartis avec une ordonnance pour se faire tester. Au final, 50 personnes ont été dépistées seulement. « Ces chiffres suggèrent qu'un grand nombre de cas symptomatiques n'ont pas été dépistés car ils n'ont pas consulté un médecin malgré les recommandations », déplorent les auteurs, qui appellent à identifier les raisons de ce non-recours.
Un taux de détection des cas symptomatiques estimé à 14 %
Pour aller au-delà de ces données de surveillance, les chercheurs ont réalisé des projections mathématiques basées sur les données de 12 régions métropolitaines pour évaluer la trajectoire épidémique, qu'ils ont validées auprès des estimations sérologiques disponibles. Ils estiment que 103 907 cas symptomatiques seraient survenus en France entre les semaines 20 et 26. L’Île-de-France, le Grand est et les Hauts-de-France étant les régions les plus touchées.
Ces projections sont ainsi bien supérieures au nombre de cas confirmés virologiquement. En effet, si le taux de positivité des tests n'a pas excédé les 5 % (recommandations de l'Organisation mondiale de la santé), les chercheurs estiment qu’environ neuf nouveaux cas symptomatiques sur dix n’ont pas été identifiés par le système de surveillance. Selon eux, le taux de détection des infections symptomatiques était ainsi de 14 %, passant toutefois de 7 à 38 % entre les semaines 20 et 26, avec des disparités régionales.
En quantifiant la relation entre la capacité de détection de la stratégie en vigueur et la circulation virale dans la population, les chercheurs constatent par ailleurs que « la capacité diminue rapidement avec l’augmentation de l’activité épidémique ».
Malgré des tendances positives, notamment une détection plus rapide des cas, « [ces] résultats mettent en lumière des limites structurelles et un besoin urgent d’amélioration », estiment les auteurs. Depuis la première vague, la stratégie de détection des cas s'est intensifiée, et le recours aux tests antigéniques a récemment été développé en vue de fluidifier la stratégie, désormais baptisée « tester, alerter, protéger ». Des efforts à poursuivre alors que le virus circule toujours activement et que la crainte d'une nouvelle vague se fait déjà ressentir.
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