LES ÉMEUTIERS du Caire se sont inspirés de la Tunisie au point d’avoir adopté, et en français s’il vous plaît, le slogan de leurs homologues de Sidi-Bou-Zid : « Moubarak, dégage ». Ils disent que les Tunisiens ont inspiré leur mouvement. Il n’est pas du tout impossible qu’ils parviennent à se débarrasser d’un potentat malade et âgé. Mais rien n’est aussi simple qu’on veut bien nous le dire. D’abord, la révolution tunisienne n’est pas terminée et personne ne sait où elle va conduire le pays. Un soulèvement spontané a été récupéré, semble-t-il, par le très puissant syndicat UGTT qui, jusqu’à présent, a certes déclenché quelques émeutes sociales par le passé, mais a supporté tant bien que mal la dictature de Bourguiba puis celle de Ben Ali. Sous sa houlette, les Tunisiens, non sans logique, réclament le départ de tous les ministres compromis avec l’ancien régime. Un remaniement a eu lieu, mais le Premier ministre, Mohamed Ghannouchi, reste à son poste qu’il détenait déjà avant la chute de Ben Ali. Tant que M. Ghannouchi refusera de quitter le pouvoir, le retour à l’ordre n’aura pas lieu. Il gouverne par petites touches. Il change son équipe, mais il réprime aussi les émeutiers. Les Tunisiens n’étant pas vraiment au travail, le coût de la révolution pour l’économie du pays va devenir intolérable.
Le grand soir par procuration.
Fascinés par un mouvement qu’ils n’ont pas davantage prévu que le gouvernement, les maîtres à penser de la presse française continuent d’être fascinés par la maturité et la conscience politique des Tunisiens. Le risque de chaos ne les inquiète guère, tant ils aiment le désordre qui change tout, quel qu’en soit le prix. Ils vivent par procuration le grand soir qui ne se produira plus en France. La Tunisie, à laquelle, pendant toute leur vie, ils n’ont accordé que quelques minutes de réflexion, en dehors de spécialistes qui avaient dénoncé en long et en large les exactions des clans Ben Ali et Trabelsi, devient le creuset de toutes leurs émotions et le nouveau prétexte, comme s’ils en manquaient, de stigmatiser Nicolas Sarkozy. Pourquoi ? Parce qu’il n’a pas épousé la cause des émeutiers tunisiens avant que Ben Ali ne quittât le pouvoir. Analyse sommaire. Ce n’est pas le rôle des autorités françaises de provoquer, d’aider ou de se réjouir d’une révolution dans un autre pays. Et il en va de la Tunisie comme de l’Égypte.
SI MOUBARAK DOIT PARTIR, IL VAUDRAIT MIEUX SAVOIR D’ABORD QUI LE REMPLACERA
Courir à la rescousse du peuple égyptien ? En dépit des apparences, les situations des deux pays ne sont pas identiques. La population égyptienne est huit fois plus nombreuse que celle de la Tunisie, la pauvreté y est plus répandue, sa situation géographique, sa proximité avec Israël et la Palestine, le problème que lui pose l’Iran n’ont rien à voir avec la Tunisie. Hosni Moubarak n’est en pas moins un despote et il serait absurde de nier aux Égyptiens les droits que les Tunisiens ont conquis. Mais que se passerait-il si, après la dénonciation de Moubarak par la France, le tyran parvenait à se maintenir au pouvoir ? Nous ne devons ni ralentir ni précipiter le mouvement. Il est du devoir de tout pays étranger de rester neutre face à la crise égyptienne. « Le Monde » décrit l’embarras des chancelleries européennes. Comment ne seraient-elles pas embarrassées ? Elles peuvent toujours conseiller la prudence et même la mansuétude à M. Moubarak, elles n’ont pas la possibilité de le remplacer par un raïs « meilleur » que lui. Elle sait en revanche qu’il pourrait y avoir au Caire un autre dictateur. Celui qui, au nom de quelques causes sacrées, Palestine, islam, progrès social du peuple, retournerait l’Égypte contre les Occidentaux.
Un va-et-vient.
Le débat n’est d’ailleurs qu’un va-et-vient permanent entre les droits des peuples et la stabilité politique des pays du Proche-Orient. Nous avons perdu la partie au Liban où le Hezbollah s’apprête à prendre le pouvoir, ce qui crée un risque supplémentaire de guerre avec Israël. En Égypte, si Moubarak s’en va, les Frères musulmans pourraient lui succéder et se rapprocher de l’Iran, tandis que les persécutions des chrétiens se multiplieraient. Et puis, quand on brandit un principe avec la foi du charbonnier, il faut aller jusqu’au bout. Exiger la fin des monarchies arabes, Maroc, Jordanie et Arabie saoudite, et des Émirats. Y a-t-il régime plus intolérant que celui d’Arabie saoudite ? Faites cette fleur à l’Iran nucléaire, placez à Ryad une république islamiste. Souvenez-vous. Nous étions tous, en 1979, contre le Chah. Sous la pression de la rue, il est parti. Finis l’injustice, la torture, le déni des libertés. Si vous préférez Ahmadinejad au Chah, manifestez contre Moubarak.
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