Au lendemain de l’annonce de la suspension de l’antiacnéique Diane 35 et de ses génériques, les professionnels de santé expriment leur incompréhension. Ils mettent en cause un emballement médiatique et ne sont pas convaincus par la pertinence de l’argumentation scientifique.
Cinq médecins livrent au « Quotidien » leurs réactions.
Dr Michele Scheffler, présidente de la Fédération nationale des collèges de gynécologie médicale (FNCGM)
« Nous sommes perturbés par cette décision arbitraire, brutale et sans concertation qui va semer une panique supplémentaire auprès de nos patientes. D’autant plus que notre ministre de la santé est en train de mettre le feu en demandant à tout le monde de ne pas paniquer.
Nous sommes inquiets car nous avons beaucoup de patientes sous Diane 35 qui nous disent qu’elles sont très bien sous Diane et n’ont pas du tout envie de changer. Comment va-t-on négocier la suite, sachant qu’il s’agira de les mettre sous pilule de deuxième génération. (Ce qui est recommandé si jusque-là elle n’avait jamais bénéficié de pilule 2G). Or les pilules de deuxième génération vont forcément aggraver la situation initiale de la patiente au niveau de son acné. Ce qui motive (en partie) la décision de l’ANSM c’est que cette pilule n’est pas une pilule. Or, dans 10 pays d’Europe, Diane 35 a l’AMM contraception. On ne comprend pas pourquoi la France se met dans un état pareil et supprime ces traitements, sachant qu’il y a bien d’autres médicaments beaucoup plus dangereux et qui sont en vente libre, pour ne citer que le Doliprane ou l’aspirine.
Par ailleurs, les chiffres de l’ANSM sur les prescriptions hors AMM de Diane 35 ne riment à rien. En général, on prescrit Diane parce qu’il y a de l’acné, c’est quand même notre première intention ! Je prends cette décision comme une bourrasque médiatique anti-pilule qui est très préoccupante en terme de risques que prennent nos patientes aujourd’hui. »
Dr Claude Leicher, président de MG-France
« Cette décision me paraît relativement cohérente par rapport à ce qui se dit à l’intérieur de l’agence. On utilisait Diane 35 comme un antiacnéique chez les femmes avec un effet secondaire attendu qui est la contraception et donc les médecins ne remettait pas par-dessus une deuxième contraception. En pratique il ne va rien se passer de particulier. On va changer de produits, utiliser d’autres antiacnéiques et l’on remettra une pilule.
S’agissant des chiffres de l’ANSM sur les prescriptions hors AMM des généralistes, je les récuse complètement. On n’utilise jamais Diane chez une femme qui n’a pas d’acné. Sinon pour le reste, les généralistes sont plutôt prescripteurs de contraceptifs de deuxième génération car ils sont remboursés et aussi efficaces que les autres pilules. L’hypocrisie des autorités publiques dans cette affaire-là, c’est qu’ils savaient très bien qu’on l’utilisait comme antiacnéique mais qu’on ne rajoutait pas de contraceptif en plus, ce qui aurait été évidemment médicalement incohérent. Nous prenons acte de cette décision mais nous n’en comprenons pas bien les critères ».
Dr Jean Marty, président du Syndicat national des gynécologues obstétriciens de France (SYNGOF)
« Nous sommes surpris par cette décision. Nous avons l’impression qu’elle a été prise sur le coup de l’émotion publique. Ce n’est pas une décision scientifique. Les jeunes filles qui souffrent d’acné le vivent très douloureusement. Elles sont prêtes à faire beaucoup car certaines ont le sentiment personnel d’être défigurées dans un moment psychologiquement difficile. On arrive souvent à régler ces problèmes avec Diane qui leur offre à la fois leur contraception et leur traitement de l’acné.
Au final on remplace quelque chose qui a rendu des services, responsable de quatre morts en 25 ans par des solutions dermatologiques classiques - en particulier le roaccutane connu pour être dangereux. Au lieu d’analyser ces quatre accidents et voir si l’on ne peut pas les prévenir, on interdit le produit, ce qui va isoler la France par rapport aux autres pays qui continuent à utiliser Diane 35. De nombreux collègues m’appellent et les commentaires sont unanimes : ils sont tombés sur la tête. Il y a quelque chose dans la presse et tout de suite, les pouvoirs publics sont devenus tellement frileux que les décisions sont prises sur le coup. »
Dr Fabien Guibal, vice président du Syndicat national des dermatologues vénérologues (SNDV)
« Qu’il s’agisse des patients ou des médecins, personne ne comprend plus rien. Cette annonce ne va faire qu’inquiéter les gens d’une manière disproportionnée avec comme risques des réactions elles-mêmes disproportionnées des arrêts brutaux de contraception avec un risque de grossesse non désiré et d’avortement. La décision de l’agence ne tient absolument pas compte de ce qu’il se passe dans le reste de l’Europe. Et la demande de révision auprès des instances européennes donne l’impression de relever d’une espèce d’agitation politique.
Cette décision est irresponsable et relève de la désinformation. Sur les informations disponibles, il n’y absolument aucune raison de suspendre Diane 35. D’autant plus que les solutions alternatives ne sont soit pas géniales, soit plus risquées. On a l’impression que le seul objectif de l’agence est d’ouvrir le parapluie de peur d’une crise sanitaire dont elle n’arrive pas à mesurer les risques. »
Dr Brigitte Roy-Geffroy, directrice exécutive de la Société française de dermatologie (SFD)
« On prend acte de la décision de l’agence. C’est une décision rapide et un petit peu brutale qui appartient à l’ANSM. On n’a pas de commentaire particulier vis-à-vis de cette annonce en sachant que Diane 35 était un outil thérapeutique parmi d’autres dans le traitement de l’acné. Le remplacement de Diane 35 par un autre produit devra s’intégrer dans une stratégie en fonction de l’intensité et du ressenti de l’acné. Pour nous dermatologues, Diane 35 n’était un contraceptif oral, mais un outil thérapeutique de l’acné. »
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