Praticien à l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP), spécialiste en santé publique et médecine sociale, le Dr Pierre-Henri Bréchat dresse dans un essai documenté le constat de l'échec de la France à lutter contre les inégalités de santé.
Avancée des déserts médicaux, système trop curatif, désengagement du régime obligatoire, déficit de démocratie sanitaire, renoncement aux soins, T2A hors de contrôle : dans « Sauvons notre système de santé et d'assurance maladie* », le praticien tire un bilan sévère des politiques successives menées depuis 20 ans, en comparaison avec les systèmes de santé étrangers jugés plus performants (Grande-Bretagne, Allemagne, Canada, États-Unis).
Pour l'auteur, la « supériorité » du modèle français a donc vécu, qui serait passé de l'excellence à la moyenne. En 2015, 82 % des 35 000 médecins consultés par l'Ordre national (CNOM) constataient d'ailleurs une détérioration du système de santé lors de la dernière décennie, rappelle-t-il. Le Dr Bréchat estime que l'« abandon démocratique » de la « France des invisibles » se constate autant à l'hôpital que dans les cabinets libéraux, en manque chronique de médecins et de moyens.
Pour que notre système de santé devienne « producteur de santé harmonieux, efficient, efficace, solidaire et durable », le Dr Bréchat propose, à la lumière des expériences étrangères, une série de réformes où la prévention, la santé publique et la réduction des inégalités de santé occupent une place centrale. « Le but n'est plus de consommer des soins mais de produire de la santé », résume l'auteur.
Centres de premier recours
Côté organisation, le médecin recommande de déployer la politique sanitaire au niveau de nouveaux « territoires de santé publique », délimités par les besoins de santé et non par les considérations économiques. Des centres de santé pluridisciplinaires, concentration de toute l'offre de premier recours, doivent essaimer en première ligne, appuyés par des hôpitaux locaux et des réseaux de services sanitaires et sociaux.
S'inspirant du modèle québécois, le Dr Bréchat juge que la prévention auprès des personnes les plus précaires est la priorité pour réduire les inégalités socio-économiques. Il suggère à ce titre une surveillance « continue » de l'état de santé de la population par la création d'un « atlas » de la santé garantissant aux tutelles une vision globale des besoins et des parcours. Dans ce système moins curatif, l'accent devrait être mis sur le développement de nouveaux métiers (« coaches » en santé, spécialistes du sport, infirmières cliniciennes, professionnels de l'aide à la consultation ou/et en charge des parcours de santé).
Selon l'auteur enfin, plusieurs dispositions législatives cruciales doivent porter sur le régime obligatoire afin de favoriser « la reconquête d'un meilleur remboursement », tout en régulant davantage le marché des complémentaires.
Réformiste mais nullement pessimiste, le Dr Bréchat estime que la France a « les points d'ancrage » suffisants pour réussir sa révolution sanitaire. Encore faut-il qu'elle le veuille.
« Sauvons notre système de santé et d'assurance-maladie », Pierre-Henri Bréchat, préface de Didier Tabuteau, Presses de l'EHESP, 24 euros, mars 2016.
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