« LA SITUATION est exceptionnelle », souligne Claude Évin, directeur général de l’ARS d’Île-de-France. La campagne de dépistage de la tuberculose engagée jusqu’au 14 octobre au Chêne Pointu doit cibler environ 5 000 personnes. « Une campagne d’une telle ampleur n’a encore jamais été menée », confirme le directeur de l’ARS, qui tient cependant à ajouter que « nous ne sommes pas en situation d’augmentation des cas de tuberculose ».
« La tendance est à la diminution régulière du nombre de cas de tuberculose en Île-de-France », précise Nicolas Carré, médecin épidémiologiste à la CIRE. En Seine-Saint-Denis également, même si « on y observe une diminution plus lente, voire une stabilisation ».
Avec 30,3 cas pour 100 000 habitants, l’incidence de la maladie, même stabilisée, reste élevée dans le département, deux fois plus que pour toute l’Île-de-France (15,8 cas pour 100 000 habitants) et près de 4 fois plus que pour l’ensemble du territoire. Toutefois, la couverture vaccinale y est satisfaisante malgré l’arrêt en 2007 de l’obligation vaccinale. Le BCG « reste fortement recommandé en Île-de-France. Les taux de vaccination sont importants par rapport aux autres régions françaises », insiste le Dr Laurent Chambaud, directeur de la Santé publique à l’ARS. Et les taux de couverture vaccinale, évalués à partir des bilans de santé à l’école maternelle (2009-2010), sont respectivement de 99 % en Seine-Saint-Denis et de 98,5 % à Clichy-sous-bois.
Un programme spécifique.
Pour faire face à la situation particulière du département, un programme spécifique, mis en place en janvier 2010, vise à renforcer le dépistage dans les foyers de travailleurs migrants, les structures d’accueil et de consultations des migrants et les campements de Roms. C’est dans le cadre de ce programme que le Centre de lutte antituberculeuse (CLAT) de Seine-Saint-Denis a été alerté. D’octobre 2010 à juin 2011, 16 cas de tuberculose maladie et 20 cas d’infections latentes ont ainsi été découverts, tous résidant dans le quartier du Chêne Pointu. « Nous avons mené une première campagne de dépistage au mois de juillet, à laquelle plus de 500 personnes ont participé », explique le Dr Christophe Debeugny, du CLAT. « Le niveau des découvertes de tuberculoses maladies et d’infections tuberculeuses latentes était tel que nous avons décidé d’élargir le dépistage à l’ensemble du quartier », poursuit-il. Avant le début de cette deuxième vague de dépistage, 23 cas de tuberculose maladie, dont 12 chez des enfants de moins de 15 ans, et 48 cas d’infections latentes ont été diganostiqués chez des habitants du quartier.
Le dispositif, mis en place pour 10 jours, pourrait être maintenu ensuite. « Nous ne savons pas combien de personnes vont venir se faire dépister », reconnaît le Dr Debeugny. Avec l’aide de spécialistes, notamment des pédiatres, des protocoles de prise en charge ont été définis en fonction des résultats du dépistage. Tous les enfants (moins de 15 ans) vont bénéficier d’une intradermoréaction à la tuberculine (IDR) et d’une radio du thorax (soit dans le camion de radiologie, soit dans un centre médical pour les moins de 3 ans). Le dépistage des enfants sera réalisé dans les écoles avec l’autorisation préalable des parents. L’examen médical et la radio pulmonaire proposés à tous les adultes volontaires sont réalisés dans un gymnase à l’aide du camion de radiologie. Les prises en charges s’effectueront à l’hôpital. « Des consultations régulières sont prévues pour le suivi du traitement, de 3 mois dans le cas des infections latentes, de 6 mois en cas de tuberculose maladie », précise le Dr Debeugny.
Des enquêtes autour des cas seront menées à chaque dépistage positif afin d’identifier tous les sujets contacts. Des inconnues demeurent quant au type de germe en cause et au mode de contamination. Il s’agit « de comprendre comment une telle situation a pu arriver et d’adapter les mesures susceptibles d’en assurer le contrôle », indique le Dr Chambaud.
Copropriétés en faillite.
Reste qu’au-delà de la situation sanitaire, le problème au Chêne Pointu semble bien plus vaste. « L’état sanitaire d’une population ne dépend pas uniquement de l’offre de soins ni des actions de prévention que l’on peut mener. Les problèmes de condition de vie et de logement ne sont pas du ressort de l’Agence régionale », assure Claude Évin. Ni de celui de la ville. « Cela fait des années que nous alertons tous les ministères sur cette question. Nous avons un projet de réhabilitation, évalué à 80-100 millions d’euros, mais nous n’avons pas trouvé les financements nécessaires », explique Joelle Marckaert, du cabinet de Claude Dilain, le maire emblématique de Clichy-sous-Bois, qui devrait bientôt démissionner pour rejoindre le Sénat. Les descriptions des deux copropriétés « en faillite » semblent d’un autre temps : « en déshérence », affirme Claude Évin, « à la dérive », renchérit Joelle Marckaert. Les 1 500 logements de ces deux immeubles de 10 étages sont la proie de « marchands de sommeil », qui « peuvent acquérir un 4 pièces pour 15 000 euros et louer chacune des pièces à 500 euros pour plusieurs familles », rapporte cette dernière. Résultats : pas d’ascenseur, caves inondées, appartements surpeuplés et une population précaire parmi lesquels se retrouvent beaucoup de sans-papiers. « Aucun des dispositifs publics existants n’est adapté », concède la représentante de la ville.
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