PLUS QUESTION de toiser ce vieux médicament relégué jusqu’alors au rang de « second rôle » dans la prise en charge des hémorragies. L’acide tranexamique pourrait bien à l’avenir faire son apparition en tant que « titulaire » dans la valise des médecins smuristes. Une étude de grande envergure, CRASH-2, vient de prouver les bénéfices immédiats de cet antifibrinolytique lors d’un traumatisme avec risque hémorragique chez plus de 20 200 patients accidentés. Administré moins de 8 heures après la commotion, en perfusion de 1 g sur 8 heures après une dose de charge 1 g en 10 minutes, l’acide tranexamique a permis de diminuer significativement la mortalité toute cause dans les 4 heures post-traumatique, en particulier hémorragie massive, infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral, embolie pulmonaire, défaillance d’organe, traumatisme crânien, et autres.
Des résultats généralisables.
Étaient éligibles dans l’étude les adultes ayant un traumatisme hémorragique avec retentissement hémodynamique (PA systolique › 90 mmHg ou fréquence cardiaque › 110/min), ou au minimum à risque de saignement massif, pris en charge médicalement moins de 8 heures après l’accident. Seuls étaient inclus ceux dont le médecin responsable n’était pas absolument certain qu’il faille traiter par l’acide tranexamique. Dans le cas contraire, les sujets étaient exclus du protocole pour éviter les pertes de chance. Le protocole de cette étude contrôlée prévoyait en effet une randomisation des patients en deux groupes, l’un traité par acide tranexamique, l’autre recevant un placebo. Ainsi, 10 096 sujets ont reçu les perfusions d’antifibrinolytique, 10 115 un placebo. L’administration des traitements était réalisée en double aveugle, du côté de l’équipe soignante et des malades. Au cours de l’étude, 1 463 décès sont survenus dans le groupe acide tranexamique versus 1 613 dans le groupe placebo. Quant aux décès par choc hémorragique, il en a été dénombrés 489 dans le premier groupe versus 574 dans le second.
Un des points forts de l’étude est de présenter des résultats hautement généralisables pour deux raisons essentielles. La première repose sur le critère de jugement choisi, un critère clinique étant le plus approprié, la seconde s’appuie sur le très grand nombre de patients inclus. De plus, alors que le diagnostic d’hémorragie post-traumatique est difficile à poser et que quelques patients ont pu en réalité ne pas avoir de saignements lors de la randomisation, cette diminution de puissance statistique n’a pas empêché malgré tout de mettre en évidence l’effet de l’acide tranexamique sur la mortalité par hémorragie.
Hyperfibrinolyse post-traumatique
En revanche, l’étude ne permet pas d’expliquer comment l’acide tranexamique réduit le risque de décès par hémorragie post-traumatique. Récemment, un phénomène d’hyperfibrinolyse a été mis en évidence dans les anomalies de la coagulation observées après un traumatisme grave. Le mécanisme d’action des antifibrinolytiques pourrait s’exercer via ce mécanisme. L’hypothèse reste néanmoins à confirmer, puisque l’activité antifibrinolytique n’a pas été mesurée dans l’étude. La quantification des pertes sanguines est difficile lors d’un accident, parce que le gros du saignement a lieu sur place et qu’après transfert en milieu hospitalier, l’hémorragie est difficile d’accès (pelvis, tissus mous, poumons, abdomen).
Le protocole d’acide tranexamique comportait une dose de charge très précoce, puisque la majorité des décès par hémorragie surviennent le jour de l’accident. Après le premier jour, le risque de thromboses vasculaires n’était pas augmenté suite à l’administration du produit. La dose délivrée était fixe, quel que soit le poids du patient, suffisamment efficace chez les plus de 100 kg, suffisamment bien tolérée chez les moins de 50 kg. Il n’est donc pas exclu que de plus fortes doses soient plus efficaces pour les gros gabarits. L’acide tranexamique pourrait être bénéfique également dans d’autres situations à risque vital, comme dans les traumatismes crâniens avec hémorragie cérébrale.
The Lancet, publié en ligne le 15 juin 2010.
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