ESSAYONS, si c’est possible, de ne pas sombrer dans la passion. Comprenons d’abord que la Suisse n’interdit pas la construction des mosquées, seulement des minarets. Beaucoup de mosquées n’ont pas de minaret. C’est un argument à double tranchant. Pourquoi fallait-il, dans ces conditions, voter une interdiction ? Les conséquences du scrutin seront en effet très dommageables pour la Suisse, ses relations avec le monde arabo-musulman, ses intérêts économiques et financiers. Elle risque en outre d’être exposée aux représailles auxuquelles des intégristes voués à la violence tenront peut-être de se livrer. C’était inévitable dès lors que l’on pratique en Suisse cette démocratie de participation si souvent louée par certains leaders de la gauche en France.
Un réflexe répandu en Europe.
On n’en a pas moins été surpris par le score du « non » adressé aux minarets. Il traduit un réflexe qui n’est peut-être pas confiné à la Suisse et il a été accueilli en Allemagne par des analyses plus subtiles que celles de la France. On comprend d’ailleurs l’inquiétude des milieux musulmans français qui craignent que l’intolérance des Suisses contamine d’autres pays européens. L’effet de la « votation » est donc désastreux. Elle représente un insupportable amalgame entre l’idée que les Suisses se font de l’islam tel qu’il est pratiqué dans un certain nombre de pays musulmans et les musulmans de Suisse qui sont le plus souvent originaires des Balkans et beaucoup moins de Turquie (20 %) ou d’ailleurs. L’interdiction des minarets a été l’occasion de rappeler que la communauté musulmane de Suisse est très respectueuse des us et coutumes de la société helvétique et participe, comme les autres, à la vie économique et sociale.
L’Union démocratique fédérale, le parti qui a milité pour le référendum, se contente donc de jouer sur des peurs qui ne sont pas confinées à la Suisse. En Europe, on néglige un peu un phénomène qui touche la Belgique, l’Autriche, la Hollande, l’Allemagne et la France où le Front national est affaibli mais risque de faire un retour en force lors des élections régionales.
L’EXTRÊME DROITE SUISSE A PROFITÉ D’UN CLIMAT CRÉÉ PAR KADHAFI
Le problème ne vient pas, en Suisse, du nombre de minarets (il n’en existe que quatre à ce jour dans tout le pays), mais du soutien électoral dont bénéficie l’UDF helvétique et qui, cette fois, s’est étendu à une large majorité.
On a vite fait de dire que les Suisses se sont prononcés sans réfléchir, que les musulmans ne représentent que 4,25 % de leur population, qu’ils sont, dans leur immense majorité d’honnêtes citoyens. Tout cela est vrai, mais les Suisses ont une perception du monde arabo-musulman qui est indentifiée à Mouammar Kadhafi, l’inamovible dictateur libyen. Un des fils de Kadhafi installé en Suisse a été convaincu par la justice helvétique de pratiquer l’esclavage chez lui (il martyrisait ses domestiques). Il fut jeté en prison, ce qui déclencha la colère homérique de son père. Le colonel se livra à toutes sortes de représailles contre Berne et prit en otages deux citoyens suisses qui avaient eu le malheur de se trouver en Libye. La Suisse présenta d’abjectes excuses et libéra aussitôt le fils de Kadhafi; mais les deux otages, dont la Libye avait promis la libération, sont toujours en prison.
Les maladresses de Berne.
Le gouvernement suisse a été très maladroit dans cette affaire. Comme dans l’affaire Polanski, il a appliqué le droit avec une rigueur qui l’honore. Cependant, elle l’a très vite exposé à se rétracter dès que ses intérêts furent menacés. Le metteur en scène français serait libre, en quelque sorte, si la France agissait avec le mépris du droit en usage à Tripoli. Il fallait donc commencer par ne pas emprisonner le fils du voyou qui dirige la Libye. Il est probable que cette affaire explique, au moins en partie, la mauvaise humeur que l’islam inspire en ce moment aux Suisses, mais les musulmans helvétiques n’ont rien à voir avec les péripéties des relations entre Berne et Tripoli. À coup sûr, l’extrême droite a tiré profit d’un climat favorable à l’intolérance.
Les pays musulmans devraient surmonter leur colère et se demander pourquoi les gentils Suisses deviennent si désagréables. Outre que la construction d’une église catholique en Arabie saoudite est inimaginable, ce qui signifie que la compréhension exigée des chrétiens ne doit pas être réclamée aux musulmans, rien n’interdit à un pays musulman autre que la Libye de défendre les droits des deux otages suisses, d’obtenir leur libération et d’administrer la preuve qu’un pays musulman peut se montrer plus tolérant qu’un pays chrétien.
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation