Faut-il légiférer sur la sécurité ?

Un méfait, une loi

Publié le 11/02/2010
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Crédit photo : AFP

TOUTE ACTIVITÉ humaine entraîne des fraudes. L’immense majorité des Français n’oserait même pas penser à voler ou à commettre une agression. La chasse à une délinquance et à une criminalité croissantes se traduit automatiquement par la soumission de l’ensemble de la population à une multiplication de règles contraignantes et parfois excessives. Un exemple : le couvre-feu pour les mineurs, induit par une consternante délinquance des très jeunes, mais insupportable pour les adolescents innocents, les plus nombreux, et desquels on exige la responsabilité des adultes. Cette mesure est dangereuse parce qu’elle n’accorde pas aux enfants et adolescents le temps de vivre normalement leur jeunesse. Elle porte atteinte à un mode de vie démocratique, de sorte que ses inconvénients sont plus graves que l’augmentation de la délinquance.

Le pouvoir abusif de celui qui surveille.

Autre mesure : la surveillance à distance des ordinateurs, atteinte caractérisée à la vie privée. Bien entendu, les justifications ne manquent pas, puisque, de la pornographie à la pédophilie, en passant par le harcèlement ou les mauvaises blagues, Internet peut être la pire des choses. Néanmoins, le risque est considérable de donner à celui qui surveille un pouvoir abusif sur celui qui est surveillé. De même, confier une partie de la sécurité à des firmes privées ouvre la porte à des comportements irresponsables. Tout le monde sait qu’un vigile n’est ni un policier ni un gendarme et que, chargé d’un travail, il va l’accomplir sans se soucier de droits qu’il ne connaît pas. Le pire, peut-être, c’est l’interconnexion des fichiers, étendue à la petite délinquance. Il suffit de rapprocher cette mesure de la polémique sur les gardes en vue, beaucoup trop nombreuses, et qui font souvent passer une très mauvaise journée à des gens traités comme des coupables au mépris de la présomption d’innocence. Qu’est-ce qui empêchera les forces de sécurité de croiser les fichiers des personnes en garde à vue ? Les numéros de Sécurité sociale, de carte bancaire, de téléphone, d’immatriculation forment déjà une toile d’araignée qui facilite l’accumulation des connaissances sur la vie privée de chacun d’entre nous. La création de la CNIL (Commission nationale Informatique et Libertés) ne date pas d’aujourd’hui. Mais, malgré sa présence vigilante et ses contrôles, chaque Français est de plus en plus observé à son insu, de plus en plus fiché, pour le très grand plaisir des commerçants de toutes sortes qui le sollicitent de manière répétitive. Ils le font avec des moyens qui, de toute évidence, prouvent que les paramètres d’une personne sont passés d’une banque à l’autre, d’un fournisseur à l’autre, d’un commerçant à un organisme de crédit, cette plaie contemporaine qui joue un rôle primordial dans le surendettement. Big Brother est déjà partout.

Où LE REMÈDE RISQUE D’ÊTRE PIRE QUE LE MAL

Nicolas Sarkozy aurait exigé une nouvelle loi pour satisfaire les revendications d’une partie de la population, notamment les personnes âgées, que la montée de la criminalité horrifie. Il ne nous semble pas très avisé d’utiliser une fois encore une recette électoraliste qui a déjà été démystifiée à plusieurs reprises. Le président voudrait, à la veille des régionales, renforcer son image sécuritaire. Il n’empêche que, depuis qu’il a fait adopter la première grande loi sur la sécurité en 2002, quand il était ministre de l’Intérieur, la sécurité ne s’est pas considérablement améliorée en France. Dans un domaine, le respect du Code de la route, les résultats sont spectaculaires, avec une chute sensible du nombre de morts et de blessés. Pour parvenir à ce résultat très estimable, il a quand même fallu transformer tout conducteur en coupable potentiel et le soumettre à un réseau de contrôles auquel il ne peut plus échapper ; sans compter que la technologie de la surveillance n’est pas fiable à 100 % et que de sérieuses injustices se produisent. Peut-on raisonnablement appliquer le même système (qui, de toute évidence, transforme chaque administré en ennemi de l’administration) aux citoyens qui vaquent innocemment à leurs affaires ?

› RICHARD LISCIA

Le Quotidien du Mdecin

Source : Le Quotidien du Médecin: 8707