JEUNE retraité, Gilles Brunot (CGT) a côtoyé Jean-Marc Ayrault durant 20 ans au conseil d’administration du CHU de Nantes. « Une main de fer dans un gant de velours », résume-t-il. Le syndicaliste se rappelle du jour où le maire a sorti le projet île de Nantes de son chapeau. « Ça en a surpris plus d’un autour de la table! ».
L’idée a évolué avec le temps. Il n’est plus question de bâtir un institut du thorax à la place des anciens chantiers de l’Atlantique, mais bien un CHU tout entier, ou presque. L’île de Nantes, siège d’un vaste projet urbanistique, Jean-Marc Ayrault la conçoit comme le nouveau cœur battant de la cité. Avec comme point central, le CHU.
La communauté médicale soutient le projet municipal dans sa très grande majorité. « Travailler sur deux sites distants de 12 km nous pose des tas de problèmes au quotidien, confie un anesthésiste. L’île de Nantes soulève une grande espérance ». Le président de la CME du CHU nantais, le Pr Gilles Potel, rêve en grand : « Ce qu’on veut faire, c’est l’hôpital du XXIe siècle ». Il table sur un arbitrage imminent, « vers Pâques ». Même affirmation de la part du Dr Rachel Bocher, psychiatre, chef de pôle, et conseillère municipale. Elle balaye d’un revers de main l’hypothèse d’un conflit d’intérêt. « Jean-Marc Ayrault se bat pour l’avenir de la cité. Ce projet n’est pas pour lui, mais pour les Nantais. ». Que l’arbitrage remonte à l’Élysée n’inquiète pas outre mesure le Dr Bocher : « Le président de la République a choisi son Premier ministre. Il devrait trouver un compromis ».
Aussi sensible que l’aéroport.
Le dossier est éminemment politique. Moins médiatique certes, mais peut-être aussi sensible localement que Notre-Dame-des-Landes. Jean-Marc Ayrault, maire de Nantes de 1989 à 2012, n’a jamais organisé de débat public sur l’hôpital. Ses opposants durcissent le ton depuis son départ à Matignon. Sylvie Jozan, chef de file UMP au conseil municipal, plaide pour l’option la moins chère. « Être sur deux sites n’est pas dramatique. Malgré tous les obstacles au transfert du CHU sur l’île, Jean-Marc Ayrault s’entête. Il veut son nom sur un grand projet », fustige-t-elle. L’ex-dircom de Nicolas Sarkozy à l’Élysée, aujourd’hui conseiller régional (UMP) des Pays-de-la-Loire, dénonce un manque de transparence. Franck Louvrier réclame un référendum métropolitain. « Autrefois Jean-Marc Ayrault expliquait que c’était à François Fillon d’arbitrer. À présent, c’est à lui de trancher! », lance-t-il.
Ce n’est pas un hasard du calendrier si l’association Enviro’Nantes organise ce soir même à Nantes un débat sur l’avenir du CHU (maison des syndicats, 20h). « Il y a des questions en suspens. Où trouver le milliard d’euros ? L’île est-elle inondable ? C’est le moment d’en parler », observe Laurent Martinez, conseiller régional Europe-Ecologie-les-Verts.
En janvier, la chambre régionale des comptes a ravivé la polémique, en reprochant au CHU de s’être constitué un bas de laine illégal. Le personnel, éprouvé par quatre années de rudes économies, voit rouge. Pointée du doigt, la directrice générale, Christiane Coudrier, se défend d’avoir caché quelques millions sous le tapis. « Comme tout bon gestionnaire, le CHU a fait des provisions pour les comptes épargne temps et les équipements », explique-t-elle.
Des centaines d’emplois menacés.
En filigrane, le projet île de Nantes resurgit. Pour les magistrats, le retour à l’équilibre, plus rapide que prévu, ne suffit pas. Près de 34 millions d’euros supplémentaires doivent être économisés avant que ne soit posée la première pierre - soit l’équivalent de 530 suppressions de postes soignants. L’hôpital nantais, secoué par une forte grève en 2009, se remet à peine de son plan de retour à l’équilibre. Pour les syndicats de personnel non médical, c’est la goutte d’eau. Le président de la CME le concède lui-même : « On ne pourra plus faire d’économies sur le personnel ».
L’État donnera-t-il son feu vert au projet île de Nantes ? C’est à cette délicate question que doit répondre Marisol Touraine. Avant elle, Roselyne Bachelot et Xavier Bertrand avaient donné leur accord de principe... assorti de conditions. La direction du CHU est dans les starting-blocks. « Nous sommes prêts à lancer le concours de maîtrise d’œuvre », annonce Christiane Coudrier. Les syndicats de personnel, eux, sont méfiants comme jamais. « Le nouvel hôpital ne se construira pas sur le dos du personnel. Nous voulons un nouvel outil de travail et des embauches. On a de l’argent pour faire la guerre au Mali. Après, ce sont des choix politiques », lance Sylvie Moisan, de FO-Santé.
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