« Pendant les 18 mois de pandémie, nous n’avons ni été sollicités, ni mandatés par le gouvernement. » Le constat du Pr Emmanuel Rusch, président de la Conférence nationale de santé (CNS), est amer quant à l’implication des acteurs de la démocratie sanitaire dans la gestion de crise. Depuis mars 2020, la CNS a pourtant publié une dizaine d’avis et de points de vigilance. « Nous avons plaidé pour renforcer la démocratie sanitaire pendant cette période », a assuré Emmanuel Rusch, lors d’une conférence organisée à Paris par l’agence de conseil Nile.
Créée en 1996 et placée sous l’égide du ministère de la Santé, la Conférence nationale de santé est un lieu de concertation en santé réunissant usagers, aidants, partenaires sociaux ou associations de protection de l’environnement. Elle a notamment pour objectifs de relayer les demandes et besoins de la population et de formuler des avis.
Démobilisation
Cette « absence totale de démocratie sanitaire » dans la crise Covid avait déjà été signalée par le président de la CNS dans une correspondance publiée dans le Lancet Public Health en avril dernier. Le Pr Emmanuel Rusch, médecin de santé publique, y évoque un gouvernement français qui « s'est appuyé presque exclusivement sur des comités d'experts scientifiques pour éclairer ses décisions ». Manque de visibilité, carence de moyens mais aussi de considération… « Les instances de démocratie en santé ne veulent pas être dans une démarche de lobbying ou de plaidoyer dans l’ombre », regrette Emmanuel Rusch.
Que les avis émis par la CNS soit suivis ou pas par les autorités « nous demandons simplement une réponse, à ne pas être ignorés comme ça a pu être le cas au cours des derniers mois », martèle Emmanuel Rusch. « Il y a un manque de culture de la démocratie sanitaire chez nos interlocuteurs. Quand ils pensent démocratie sanitaire, ils pensent association de patients. Je me demande où est le niveau de démocratie en santé dans notre pays… », souffle, amer, le président de la CNS.
Ce manque de considération des acteurs de la démocratie en santé n’est pas nouveau, « en particulier sur les questions de vaccination », explique-t-il. En 2016, la CNS avait été motrice de la concertation citoyenne sur la vaccination pilotée par le Pr Alain Fisher. « Et suite à cela, combien de nos recommandations ont été mises en œuvre depuis ? » ironise Emmanuel Rusch. « La seule chose qui a été mise en place c’est l’obligation vaccinale en 2018, les autres mesures, issue d’une dynamique démocratique n’ont jamais été appliquées. »
Mascarade ?
Associer les citoyens aux décisions de santé, une illusion ? C’est ce qu’avait déjà dénoncé avec fracas Thomas Dietrich en 2016, alors secrétaire général de la CNS. Dans un brûlot d’une trentaine de pages envoyées à l’IGAS, ce haut fonctionnaire écrivait, avant de démissionner : « J’en suis désormais convaincu : la démocratie en santé n'est qu'une vaste mascarade », flinguant le peu d’intérêt porté (selon lui) par la ministre de la Santé de l’époque, Marisol Touraine, à l’avis de la population sur des sujets comme la vaccination ou la fin de vie. « L'illusion de la liberté est savamment entretenue par le ministère [...] la grande majorité des membres de la CNS ignore que les dés sont pipés. »
Face à la lassitude des acteurs, Olivier Véran s’était engagé en juillet 2020 à renforcer les moyens, l’indépendance et les prérogatives accordées aux instances consultatives régionales de santé au niveau local. C’est la mesure 32 du Ségur de la santé, saluée prudemment par Emmanuel Rusch. « C'est une évolution positive, mais nous en attendons d'autres. »
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